Franchement, ça faisait un bon moment que je ne soupçonnais plus le gars Steven d'être capable de nous pondre un truc honnête comme ce Lincoln.
D’ailleurs, voyons… Hmmm, au moins 15 ans. Pour ne pas dire 20.
Je veux dire un film sans esbroufe, sans scène indigne, sans prétention dégoulinante (même si on frôle la chose sur quelques scènes) ou sans artifice grossier.
Après, le principal reproche fait au film, si j’en crois tout ce que j’ai lu ou entendu, c’est que le film est excessivement bavard.
OK, ça parle. Mais n’oublions pas que c’est une conquête du cinéma depuis 1929. Je veux dire, le parlant.
OK, ça manque un poil d’action. Mais en même temps, le Lincoln débile qui découpe tout à la hache, ça venait d’être fait.
Le choix de présenter le personnage à la fin de sa vie, dans une seule de ses actions politique (la plus emblématique) est cependant passionnant.
Car du coup, on est obligé de parler du bonhomme, mais aussi et surtout de la politique en général.
Il parait que, en visite dans les studios de France Inter, l’œil de Spielberg s’est illuminé quand un journaliste lui a demandé s’il envisageait son film comme une variation cinématographique de "the west wing".
Si le résultat est loin d’être à la hauteur de son modèle avoué à demi-mot, il n’en reste pas moins réussi à bien des égards.
Si on a souvent souligné la justesse du portrait d’un homme capable de tricher ou de duper ses interlocuteurs pour parvenir à ses fins (et en l’occurrence quelle fin ! Abolir l’esclavage aux Etats-Unis peut paraitre à bien des égards historiquement inévitable mais on peut se montrer singulièrement dubitatif quand on voit se qui se passe autour de la législation des armes à feu), je reviendrais pour ma part sur le personnage de Taddheus Stevens, magnifiquement (pléonasme) interprété par Tommy Lee Jones.
L’œuvre de sa vie, l’égalité stricte et totale entre tous les hommes, qu’il accepte de compromettre (au moins oralement) à la suite de son entretien avec le président est en parfait accord de ce que je pense de la façon que nous avons tous de parvenir à notre but dans la vie.
Il y a la façon péremptoire et noble en façade, campée sur des principes et des postures vindicative qui reste stérile mais drape dans un confort stérile. Et puis il y a la négociation, le compromis, qui seuls engagent et font avancer les choses au prix de concessions souvent ingrates. C’est une définition de la politique. Celle qui, jamais populaire, nous éloigne du western (au sens de la loi du plus fort) que serait la vie sur cette planète sans elle.
Ah et il y a aussi une chose qui m’a singulièrement troué le cul, c’est que ce soit le parti républicain qui soit à l’origine de cette abolition contre les démocrates. Je me suis demandé pendant les trois quarts du film si Steven ne s’était pas emmêlé les pinceaux pendant le tournage. Je le confesse, l’ex étudiant en histoire que je suis, au travers de ce genre de lacune, se révèle être une véritable buse.
Loin d’une nouvelle démonstration d’impérialisme auto-glorificateur, comme je l’ai stupidement lu ici ou là, ce témoignage, au travers des ses nombreuses qualités que ne pourront même pas gâcher les dernières minutes convenues, existe comme un véritable bon film dont je ne pensais plus (j’y reviens) son réalisateur capable.
La conclusion s’impose donc : à la question constitutionnelle "Spielberg est-il encore capable, même de loin en loin, de faire un bon film ?", je vote sans sourciller, et à l’encontre de mes principes : "oui".