On connait assez peu en France l’histoire des Etats-Unis, hormis celle qui fonde le pays (sa découverte, les pères fondateurs etc…), ou celle qui nous implique c’est-à-dire à partir des 19 et 20 èmes siècles. C’est là la démontration qu’on ne connait que l’histoire de son pays, ou une histoire qui porte déjà un parti pris sur les faits, distinguant pour forcer le trait, les bons et les méchants.

L’époque de la Guerre de Sécession (soit entre 1861 et 1865) est survolée dans nos programmes et peu connue en profondeur. Le film évoque en particulier la fin de carrière du président Lincoln, durant laquelle il fait voter l’abolition de l’esclavage. Pour nous spectateurs français, le film s’inscrit à la suite de ce que nous a donné à voir Tarantino sur le sujet il y a quelques semaines. Tarantino abordait la guerre et l’esclavage par le regard des victimes, en mettant en lumière la cruauté des bourreaux et des relations humaines qu’induisait cette situation, Spielberg change de point de vue en nous permettant d’être spectateurs de la vie politique avec ceux qui à l’époque, l’on faite.

Ce sont ici les notions d’égalité et les droits qui vont être examinés et débattus en théorie : la différence raciale/ de couleur est-elle signe d’inégalité ? Peut-il y avoir pour tous les hommes une égalité devant la loi ? Il va s’agir de montrer les éléments de discours, les discussions tenues au Parlement ou les arguments opposés à la volonté de déclarer l’indépendance Pour nous, spectateurs, c’est l’occasion de faire une incursion discrète dans le monde politique, d’être réellement spectateurs de ces débats. Il ne s’agit pas ici d’un film complaisant, qui nous livre une histoire facile sur fond historique, mais plutôt une traduction qui se veut fidèle du contexte de l’époque. Le Wall Street Journal dit ainsi « Spielberg ne recule pas devant la complexité. Il fait sans doute le pari que les spectateurs iront chercher ailleurs – dans les livres ou les débats – les informations qui leur manquent. Pour l’heure soyez sûr que le processus dépeint est si riche et si plein de vie qu’il vous laissera pantois quant à ce que la vie politique était alors – une arène turbulente, traversée d’accusations, de dénonciations, faite d’une vénalité mise au service de la vertu, d’une pure vertu ou parfois d’une simple vénalité, sans que rien de tout ça ne soit dicté par les sondages d’opinion. » C’est donc un film dans lequel il faut se plonger, et suivre attentivement (les personnages, les partis, les idées).

Mais assuré par un casting solide, le film passe en revue les faits, et la longue quête des voix qu’il faut assurer pour se garantir la victoire au vote du 13ème amendement. Dans les rôles principaux, les acteurs sont tous remarquables tant ils donnent crédit et profondeur à leur personnage. Encore une fois Daniel Day Lewis se plonge dans la peau d’un héros historique (à la suite du Dernier des Mohicans, Gangs of New York ou There will be blood), et incarne avec brio son personnage. Sa femme tenue par Sally Field (stupéfiante), est un mélange de fermeté et de vulnérabilité. C’est elle qui rappelle les questions humaines des considérations de couple (comment supporter le succès de son mari, comment supporter l’absence de son mari, ou comment être heureuse quand on est première dame des Etats Unis ?) mais aussi ses considérations de mère, qui veut éviter la mort de son fils s’engageant dans la guerre au détriment du désir d’accomplissement de celui-ci. Elle parvient à donner à son personnage que l’on connait pourtant plutôt comme une femme forte, une certaine fragilité qui traduit ses failles. De même, le visage du président, qui est habituellement considéré comme un demi-dieu, est montré par Spielberg comme étant très abordable et humain.

Le rythme est plus soutenu sur la seconde moitié, qui développe la préparation du vote et le vote du 13ème amendement. Mais aux Etats-Unis, la critique est dithyrambique (comme en témoignent les citations sur l’affiche) et son accueil par le public est perçu comme une vraie leçon d’histoire. Point de vue que l’on partage alors aisément.
gagaone
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le 13 févr. 2013

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