Je dois être un indécrottable optimiste, un doux rêveur. Malgré toutes les preuves qui m'ont été données cette dernières années, et qui annoncent toutes que Spielberg a cessé d'être un bon réalisateur pour devenir un simple (et mauvais) faiseur de films, je continuais à croire à la possibilité qu'il réussisse ce Lincoln.
Déjà, c'est par erreur que ce film s'intitule Lincoln. Ne croyez surtout pas qu'il s'agisse d'un biopic du personnage : le film ne couvre que les derniers mois de la vie du président, et ne nous montre que le combat qu'il a mené (avec son entourage) pour faire adopter le 13ème amendement, celui qui assure l'abolition de l'esclavage ("13ème amendement" aurait pu être un titre sûrement plus représentatif).
Même en étant passionné par la politique, les débats, les confrontations d'idées, etc., je ne peux qu'avouer que ce film est bien chiant (désolé pour les yeux chastes, mais il n'y a pas d'autres mots). Cette succession de dialogues et disputes politico-juridiques autour de ce fameux amendement, dans des bureaux crépusculaires mal éclairés et enfumés, avec Daniel Day-Lewis en contre-jour, est d'un ennui mortel. Spielberg n'arrive pas à montrer à ses spectateurs l'importance de cet amendement. Pire, il s'embrouille lui-même : cet amendement est-il utile pour mettre fin à l'esclavage, ou pour mettre fin à la guerre ? Les deux, apparemment, mais à force de naviguer d'un argument à l'autre, on s'y perd un peu. Enfin, ce 13ème amendement, si capital dans l'histoire américaine, nous est montré comme le simple enjeu d'une bataille parlementaire.
La séquence du vote est cependant une réussite, même si Spielberg utilise, une fois de plus, les mêmes énormes ficelles qu'il prend habituellement. C'est aussi la séquence où on voit le moins Lincoln. Paradoxe ?
Non. Car Spielberg a foiré ce qu'il aurait dû réussir en priorité dans ce film : son portrait du président. Le cinéaste s'est fait piéger par son souci du réalisme. En presque 150 ans maintenant, Lincoln est devenu une sorte de personnage mythique, légendaire, une figure tutélaire à laquelle on a recours chaque fois qu'on veut dire que quelque chose est bien aux USA. Or, Spielberg nous montre Lincoln comme un politicien ordinaire, avec ses manigances pas très légales, ses entêtements, ses discours nuls et ses blagues foireuses. Une destruction (volontaire ?) du mythe. Si le Lincoln de Spielberg est grand, c'est uniquement par la taille.
Le cinéaste fait finalement l'exact opposé de John Ford dans Vers sa Destinée (où Lincoln jeune était interprété par Henry Fonda). Le Lincoln de Ford était un avocat inconnu dans une affaire banale, mais on y voyait déjà la grandeur d'un homme qui marquerait l'histoire de son pays. Le Lincoln de Spielberg est un président très populaire, se battant pour la loi qui marquera son nom dans l'histoire, mais n'est finalement qu'un personnage ordinaire. Et Ennuyeux.
Le film connaît quand même quelques scènes agréables, surtout dans sa seconde moitié, mais rien qui permette de sauver l'ensemble. Le choix de ne pas montrer l'assassinat du président aurait pu être judicieux s'il n'avait été contrebalancé par le pathétique du fils qui crie.
Bien sûr, l'interprétation est exceptionnelle et la reconstitution est très bonne mais rien ne rachète la perruque de Tommy Lee Jones, qui plomberait n'importe quel film.
*Je demande pardon à mes abonnés, ma famille et la Terre entière pour ce jeu de mot pourri.