Avec pour point de départ un conflit de voisinage, élément déclencheur insignifiant mais révélateur des tensions et de ressentiments refoulés encore vivaces entre communautés, le cinéaste propose une première partie immersive et tendue, s'attachant à la description de ses personnages dans une ambiance morose et déprimée où l'absurde de la situation n'a d'égal que l'incapacité à communiquer, pour lentement dériver, suite au procès, vers une photographie globale du pays et d'escalade de violence. Echauffourées, vues du ciel d'un pays en émoi, dommages collatéraux, inefficacité d'un gouvernement dépassé et ligne ténue à maintenir un semblant de réunification, face aux crises identitaires et aux traumatismes familiaux.
Deux portraits pour deux comportements en porte à faux entre le travailleur palestinien Yasser (Kamel El Basha) et sa bienveillance exacerbée et le chrétien des plus bourrins, Toni (l'impitoyable Abel El Karam) qui n'aura de cesse d'alimenter le conflit, viendront en regard de scènes plus intimes de vie de familles et de femmes soumises à la vindicte de l'un ou à la passivité de l'autre, soulignant la place délicate des femmes.
Je m'attendais à plus de cynisme ou de dialogues savoureux et percutants, d'effet rebond et de joutes verbales jubilatoires, à l'instar du film le procès de Vivian Ansalem, qui n'en était que plus marquant dans la dénonciation. Mais ce ne sera que prises de paroles argumentées des plus pédagogiques, chaque avocat tentant par leur plaidoirie d'asseoir leur propre engagement, métaphore d'un pays prêt à exploser, au détriment des deux intéressés. Le choix d'un père (l'insupportable avocat de l'accusation, mais non moins excellent Camille Salameh) et de sa fille à la défense (Diamand Bou Abbou – une famille Syrienne) où la communication à forte valeur subjective, et les interventions incessantes du père, ajoutent sans convaincre à la difficile indépendance féminine.
Rappelant la guerre civile qui ravagea le Liban entre 1970 et 1990 et qui aura fait plus de 200000 victimes., le cinéaste essaie alors de ne pas blesser les sensibilités nous dictant constamment la direction, à grands renforts de flashbacks et d'images d'archives, pour bien nous faire comprendre les responsabilités de chacun, que la souffrance n'est pas l'apanage d'un seul peuple et à nous démontrer la nécessité du vivre ensemble malgré nos différences pour des rebondissements forcément attendus et chaussés de gros sabots,
Tout est alors facile dans la décharge émotionnelle qui loupe le coche, terminant par le regard apaisé, voire carrément complice, que s'échangeront les deux protagonistes après avoir presque mis le pays de nouveau à feu et à sang, comme si ils venaient de se rendre compte qu'une guerre laissent des victimes de chaque côté, ou encore comme si le dernier acte de Yasser, aurait pu suffire à la prise de conscience.de Toni, lui rendant la monnaie de sa pièce en le poussant dans ses retranchements.
De la même manière qu'il tentait avec l'adaptation du livre de Yasmina Khadra, l'Attentat, de marquer par le cheminement d'un homme et son incompréhension face au geste kamikaze de sa femme, Ziad Doueiri est bien trop didactique à défaut de réflexion et d'émotion, mettant maladroitement tout le monde dans le même sac, oscillant sans être dans la drôlerie, entre scènes plus légères et comportements à l'excès qui laisse un goût d'inachevé.
A voir pour des jeux d'acteurs tous excellents, et en regard du conflit israélo-palestinien, un exercice à saluer encore aujourd'hui.