"L'insulte", est un film des plus inductifs. La première de ses implications est de remettre sous le feu de l'actualité un conflit dont beaucoup ne veulent plus entendre parler... au pays, dans les territoires arabes et plus encore au niveau de la communauté internationale. La seconde, pour les plus curieux, est de se replonger dans l'histoire du conflit une fois arrivé chez soi, un film, même d'une durée de presque 2h, ne pouvant se baser que sur une trame simpliste pour évoquer 15 ans de conflit et un contexte préliminaire déjà bien lourd.
Toni, garagiste, soutenant le parti chrétien des Forces Libanaises s'embrouille avec Yasser, ouvrier réfugié palestinien d'origine, à propos d'une "violation de propriété" (travaux effectués sur la maison de Toni sans son accord). De cette broutille ils en viennent aux mains, la dispute jusqu'à l'insulte. Affaire qui se réglera directe au tribunal prenant peu à peu des proportions telles que le spectre d'une nouvelle guerre civile plane.
Scénario des plus schématiques, mais qui n'est en fait qu'un argument pour mieux replacer l'humain au cœur de ce conflit qui a fait plus de 380.000 victimes et détruit un pays. Les vieilles rancœurs ne sont pas tout à fait digérées, loin s'en faut, le traumatisme encore dans toutes les têtes quelque soit le camp. C'est tout cela qui ressurgit lors du procès qui oppose donc Toni et Yasser, chacun étant défendu par des avocats qui sont eux aussi radicalement opposés et de surcroit père et fille. L'un voulant faire le procès de cette période (le père incarné formidablement par Camille Salameh), l'autre voulant faire table rase du passé et se tournant résolument vers un avenir plus serein. L'un et l'autre débordent de leur propre mission attisant la fracture.
Ziad Doueiri se garde bien de prendre parti et ne fait qu'exposer les faits. De fait, le film pourra paraître difficile d'accès à un public méconnaissant cette période. Pour autant il est des plus limpides à suivre et le fait que l'action se passe dans un tribunal n'est pas pesant comme c'est souvent le cas. Pour contrer cela, le réalisateur a eu soin de mêler flashs back, scènes reconstituées, intermèdes hors session venant compléter les plaidoiries. Le rythme est d'ailleurs volontairement punchy allant de découvertes en découvertes ce qui le rend captivant.
Et bien évidemment le casting est des plus efficaces le mutisme de Toni servi par un Adel Karam très pénétré par son rôle témoigne bien du traumatisme vécu, Kamel El Basha en vieux brisquard aspirant à la paix est touchant, Diamand Bou Abboud est une belle révélation, quant à Camille Salameh, j'en parlais plus haut, il est impérial en avocat opiniâtre mais juste.
"L'insulte" est un excellent film par son approche pédagogique et son franc parlé, grâce à sa mise en scène efficace et une interprétation brillante, mais également parce qu'il donne une note d'espoir...
Le résultat du procès (avenir plutôt que passé) et l'échange final de regards des deux belligérants en sont des signes...