En France, le point de départ de L’Insulte se règlerait entre deux pages de pub chez Julien Courbet. Au Liban, il manque d’embraser le pays tout entier en rouvrant les blessures mal cicatrisées de la guerre civile qui a déchiré le pays sur fond de tensions au Proche-Orient.
Avec un humour et un sens du verbe dont il a fait sa marque de fabrique dans Le Baron Noir, Ziad Doueiri braque les projecteurs sur les tabous qui écartèlent la société libanaise, loin de la démagogie des uns et du manichéisme des autres.
D’entrée de jeu, L’Insulte frappe par sa mise en scène très moderne mais surtout par sa redoutable intelligence. En se gardant bien de donner raison à un camp ou un autre, le film parvient à dénoncer les effets pervers de toute cause, à plus forte raison quand d’autres se l’approprient.
Ainsi, si le film choisit de consacrer sa première heure aux préjugés et à la haine dont sont victime les réfugiés palestiniens, il prend dans sa 2e partie le contre-pied de la sacro-sainte cause pour en exposer la face sombre, toujours avec cette justesse qui force l’admiration. Pour ce faire, Ziad Doueiri ne fait pas l’économie de références à l’Histoire récente du Liban, sans être imbitable ou trop didactique pour autant.
Evidemment les arguments exposés ne se valent pas tous, mais ils s’entendent parfaitement, d’autant plus qu’ils sont portés par un trio d’acteurs formidables : Kamel El Basha, dont le visage incarne toute la dignité de ce palestinien réservé qui ne représente que lui-même, Adel Karam dans le rôle du Chrétien libanais tout en colère exprimée et en tristesse contenue qu’on cherche à s’approprier, et enfin Camille Salamé, fabuleux en avocat bretteur dont la dureté calculatrice et le discours populiste s’ébrèchent progressivement pour laisser place à une détermination toujours ferme, mais plus humaine.
Si le film évite les écueils des procedurals américains, c’est aussi grâce à son verbe haut qui vient conclure le film avec une plaidoirie appliquant aux Palestiniens les arguments habituellement opposés aux Juifs par les rhétoriciens de la cause anti-sioniste. Indirectement, le film rappelle ainsi que pour le meilleur ou pour le pire, on est toujours le Juif (ou le Palestinien) de quelqu’un. Couillu.