Saroo, ou la quête de l'identité

J'ai bien failli rater "Lion" de Garth Davis, car l'affiche (modifiée depuis!) ne me donnait vraiment pas envie d'aller le voir! Qu'est-ce que c'est que ce procédé putassier consistant à écrire en bien plus gros que le titre du film la phrase de teasing "Le nouveau Slumdog Millionnaire"???!!! C'est vraiment contre-productif, d'abord parce que les gens (il y en a, si, si!) qui n'ont pas aimé le film de Danny Boyle ne seront forcément pas attirés par une telle accroche, et ensuite parce que, à part le pays où commence l'histoire, à savoir l'Inde, et la présence au casting d'un acteur commun, Dev Patel, ces deux longs-métrages n'ont vraiment rien à voir!!! L'histoire n'est vraiment pas la même, l'ambiance est radicalement différente, et les pattes cinématographiques des deux réalisateurs ne sont même pas comparables! Autant dire que si je ne faisais pas partie de ceux qui ont une carte illimitée pour le cinéma, et n'avais été curieux de voir à quel point l'accroche en question pouvait être une arnaque, je ne serais pas allé voir "Lion"... Ce qui aurait été bien dommage!


"Lion", c'est l'histoire (sans spoils, pas de panique!), basée sur le récit autobiographique de Saroo Brierly, d'un petit Indien de 5 ans qui, malgré la misère dans laquelle vit sa famille, est incroyablement joyeux et volontaire. Alors qu'il réussit à convaincre son frère un peu plus âgé que lui de l'emmener chercher du travail pour ramener quelques précieuses roupies à la maison, il s'égare malencontreusement, monte dans un train en cherchant à retrouver son frère, et se retrouve embarqué bien malgré lui vers la jungle urbaine de Calcutta, à des centaines et des centaines de kilomètres de son petit village et de tous ses repères. Là, il essaie tant bien que mal d'échapper aux mille et un dangers de la mégapole pour laquelle il est une proie facile, avant d'échouer dans un orphelinat. Plus chanceux que l'immense majorité de ses camarades d'infortune, il est choisi par un couple d'Australiens qui l'adoptent et lui offrent une nouvelle vie.
Dans la seconde partie du film (et je vous rassure tout de suite, ce n'est encore vraiment pas un spoil!), Saroo a bien grandi et mène la vie heureuse d'un jeune et brillant étudiant australien, jusqu'au jour où les fantômes de son passé viennent le tourmenter. Il se rend compte qu'une partie essentielle de son identité lui échappe, et il décide, aussi énorme et vouée à l'échec que la tâche puisse sembler, de tout faire pour retrouver ses origines et sa famille biologique perdues.


Le premier grand atout du film, même s'il est petit par la taille, c'est Sunny Pawar, le gosse qui joue le rôle de Saroo à 5 ans. Le gamin porte particulièrement bien son nom, car il est proprement solaire! Tout en lui rayonne : sa bouille adorable, ses yeux immenses et terriblement expressifs, sa voix et sa diction hyper mignonnes, et son attitude générale énergique, volontaire, désarmante. Ce jeune acteur est toujours d'une justesse incroyable, et il est assurément une extraordinaire trouvaille des directeurs de casting du film!


Le second atout de ce premier long-métrage, c'est la mise en scène de Garth Davis, alliant de très belles images, notamment des prises de vue aériennes magnifiques, et un regard tendre et intime sur ses personnages dont les émotions sont joliment mises en valeur. Ceci tout en n'épargnant pas au spectateur la dure réalité d'une société indienne qui n'est, quant-à elle, pas tendre avec les orphelins, mais sans jamais pour autant sombrer dans un misérabilisme larmoyant. La dure réalité est montrée, et non seulement le film ne s'appesantit pas dessus, mais surtout, le personnage de Saroo et sa façon de traverser la vie, de la supporter, évitent les excès mélodramatiques.


On apprécie aussi tout particulièrement la prestation d'une Nicole Kidman toute en retenue et simplicité, proprement bouleversante dans certaines séquences, ainsi que le personnage de Mantosh (incarné par Divian Ladwa), un autre des "enfants perdus" de l'Inde, avec lequel le destin a été moins clément que pour Saroo, et dont la trajectoire est également très touchante.


"Lion" est donc un film qui marie avec bonheur des émotions intenses liées aux parcours difficiles de ses personnages, et une ambiance malgré tout globalement solaire grâce à une très belle réalisation, joliment servie par une musique de Hauschka et Dustin O'Halloran, et à l'optimisme farouche de l'auteur du livre dont il est issu. La question de l'identité et de la construction de soi y est traitée avec justesse tout comme la réflexion sur ce qui constitue véritablement une famille par-delà les liens du sang, et ce qui peut la mettre en danger. Il touche donc profondément les coeurs des spectateurs, et tire à certains quelques larmes sans pour autant les manipuler mais parce que son histoire est réellement touchante. Mais surtout, élément très appréciable, il nous laisse ressortir de la salle avec un agréable sourire et un regard un peu plus positif sur la vie, ce qui de nos jours n'est vraiment pas de trop...

CharlesLasry
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Créée

le 30 mars 2017

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Charles Lasry

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