Le début des années 80 marque le début de la fin pour la Shaw Brothers. Plombée par ses habitudes cinématographiques et son système de production dépassé, la compagnie n'est plus en phase avec le public de Hong Kong et peine au box office. Roar of the Lion fait partie de ces tentatives de la société de Run Run Shaw de retrouver les grâces du public. Mais contrairement à un The Master, le film cherche à fusionner mode du moment (la Kung Fu comédie) et haute tradition Shawesque. Tentative particulièrement intéressante mais aussi hautement casse gueule qui ne sera d'ailleurs pas récompensé par un succès commercial.
Les deux aspects différents en œuvre dans le film sont parfaitement personnifiés par les deux héros du film : Wong Yu et Lo Meng.
Wong Yu représente l'aspect comédie Kung Fu. Son personnage est le héros typique du genre : Roublard et tire au flanc, il passe son temps à jouer des tours à ses proches (ici son employeur). On est en terrain connu... Trop d'ailleurs, car les séquences comiques ont un goût de déjà vu, elles manquent d'originalité pour passionner le spectateur gavé de ce type de scènes. Wong Yu est compétent dans cet exercice (il a quand même joué dans la première Kung Fu comédie !) mais ne parvient pas à se dégager de l'ombre des vrais génies du genre que sont Jackie Chan ou Samo Hung. Nul doute que cet aspect du film, trop prévisible, cumulé à un changement de mode encore frémissant a contribué au faible résultat commercial de Roar of the Lion.
L'autre personnage principal est celui de Lo Meng. Bien ancré dans la tradition des films d'arts martiaux made in Shaw, le brave Lo est un garde Ching plongé, malgré lui, au beau milieu de sombres histoires de complots et de lutte contre le gouvernement. Un style d'aventure qui est plus familier à l'ensemble de l'équipe du film et s'avère donc traité plus habilement : Les personnages en relation avec cette partie de l'intrigue sont plus fouillés, le scénario réserve quelques surprises... Probablement plus à l'aise dans cet univers, le coté Shaw va d'ailleurs, au bout des 2/3 du métrage, complètement prendre l'ascendant sur la facette Kung Fu comédie.
Bien que plus réussi, cet aspect a aussi ses défauts. Limité dans le temps, le film ne peut développer totalement son intrigue et aboutit à une fin abrupte, désabusée même qui semble trahir le peu d'optimisme qui régnait dans la compagnie à l'époque...
Mais même dans cette position délicate, à cheval entre deux styles, Lion Vs Lion a des atouts à faire valoir !
Son argument commercial de départ déjà : Oui, on a bien droit à notre combat de lions et ce n'est pas un pétard mouillé ! Probablement fait avec le but de concurrencer Jackie Chan qui avait utilisé cette vieille tradition Chinoise avec un certain talent pour son Young Master. Le film Shaw Brothers lui, confronte lion du nord au lion du sud. Idée excellente qui n'avait, pourtant, jamais été exploitée jusqu'ici. L'ensemble de la séquence est traitée avec grand soins : Les costumes sont superbes (mention spéciale au lion du nord), le décor large et la chorégraphie complexe. Un bien beau spectacle. Hsu Hsia et Chin Yuet Sang connaissent même un joli moment d'inspiration quand ils se décident à traiter leurs lions comme de véritables animaux. Ca vaut le coup d'œil !
L'autre grand point fort du film, c'est la présence de Johnny Wang Lung Wei. L'acteur était alors au top de sa carrière et éblouit l'écran dés qu'il utilise son Kung Fu. Lo Meng et Wong Yu ne sont pourtant pas des manches en la matière, bien qu'un peu raides et manquant de fluidité, ils délivrent de solides prestations chorégraphiques lors des divers combats du film. Mais Wang, aidé par de talentueux partenaires (Sharon Yeung Pan Pan et Chin Yuet Sang !), est incontestablement un cran au dessus ! Ce n'est que vers la moitié du film qu'il a enfin l'occasion d'entrer en action mais le résultat est fabuleux, donnant au film un véritable coup de fouet. Wang himself est rapide, puissant et dégage une véritable intensité. Réalisation et chorégraphie sont au diapason, faisant de ses combats des petits bijoux que tout amateur du genre ne pourra qu'apprécier.
Lion Vs Lion est donc un film inégal mais qui présente suffisamment de bonnes choses pour mériter d'être visionné et procurer du plaisir.