Woody Allen et Philip Roth un jour se sont rencontrés et se sont dit : faisons un enfant ensemble, qui soit une caricature de nous-mêmes, un cinéaste littéraire, machiste, intellectuel sans idée, loser sans l'admettre. C'est Alex Ross Perry.
Son film a le ton doux-amer des films qui ne savent pas ce qu'ils sont, des films qui ne choisissent rien, veulent tout dire, tout montrer, mais restent totalement réservés, elliptiques, sur la défense. Défense de quoi ? On ne sait pas bien ce que le film défend. Ni ce qu'il réserve pour un plus tard hypothétique.
Sa trame est lâche, insignifiante, son personnage principal est une horreur (montrée comme telle, bon, oui, d'accord, et puis?), les femmes sont humiliées, humiliables à merci (comme si 40 ans de féminisme n'avaient absolument rien changé - ce qui n'est peut-être pas faux, mais disons que l'horizon féministe du film est copieusement esquivé au profit de cette tendre mélancolie de l'homme-éternel-enfant), tout désir n'est que prétention au désir, toute échappée n'est que retour à la norme... le tableau est complet, d'une Amérique intellectuelle ravagée d'idiotie. Malheureusement, le film n'est pas rageur, seulement joli. Et nous suivons cette déliquescence humaine à l'aide d'un cinéma laissé à l'abandon (la voix-off, pas mal au début, devient vite usante).
Par contre, quel bonheur de revoir un film tourné en pellicule. Que c'est beau. On voit tout, la lumière des saisons sur les paysages et les visages, l'érotisme absolu des femmes... Très vite, je n'ai plus suivi l'histoire, j'ai laissé tomber les sous-titres, j'ai seulement regardé ces images, d'un autre temps, peut-être, mais cet autre temps est le nôtre en vérité : images d'une autre technique pour un temps à peu près semblable. Quelle tristesse que cet abandon.