Jean-Pierre Mocky est un réalisateur que je connaissais de nom, mais que je n'avais jamais eu l'occasion de voir à l’œuvre. En ce sens, commencer par Litan - La cité des spectres verts est un peu absurde, puisqu'il est de notoriété public que ce film est une sorte d'anomalie dans la filmographie de Mocky, s'agissant de sa seule tentative dans le domaine du fantastique (avec des éléments SF dont l'arc de Nino Ferrer). Catégoriser ce film s'avère assez difficile ; il s'agit d'un hybride fantastique aux touches de science-fiction, flirtant avec le folk-horror (on pense évidemment aux personnages masqués de The Wicker Man d'Hardy), tout en étant un peu étrangement tiré vers le drame. Au final, tout ces éléments piochés ça et là n'auront finalement assez peu d'importance.
Face au film de Mocky, il faut être un peu magnanime : le jeu d'acteur est aux fraises, mais on pardonne volontiers. L'histoire est mal-amenée, mal-construite, et finalement assez peu intéressante, mais on veut bien faire l'impasse. Que reste-t-il alors ? Je dois dire que les 30 premières minutes du film m'ont assez plu. Bien sûr, c'est fauché, bien sûr, c'est mal-joué, bien sûr, c'est mal construit (je pense aux rêves de la femme de Mocky). Mais Mocky arrive tout de même à créer une ambiance folle, sorte de cauchemar morbide qui commence dès le générique, où cette brume verdâtre englobe ce village en fête où ces personnages masqués agissent comme des sortes de marionnettes -utilisant ainsi le mauvais jeu d'acteur pour créer cette ambiance bizarre -, et ces personnages filmés à la perfection pour créer cette aura mystérieuse et angoissante tout en étant formellement très jolie. D'autant que certains passages fonctionnent très bien, comme lorsque Mocky court après son ami dans l’hôpital, où l'on a vraiment l'impression qu'il arrive à construire une sorte d'étrangeté, où chaque personnage évolue dans une dimension qui n'est pas la même.
Et de cela, j'aurais très bien pu m'en contenter et même apprécier le film, si pendant sa durée il avait conservé ses dingueries visuels, en ne jouant que sur cette corde où Mocky et sa femme sont embarqués dans un monde étrange et à part. Malheureusement, plus le film avance, moins il est inspiré visuellement. Les cadres qui créent ce sentiment d'étrangeté au début du film, rendant chaque personnage suspect, se raréfient, les folies visuelles deviennent plus avares (même si l'un des plan les plus jolis selon moi est à la fin - avec ces musiciens qui jouent de part et d'autres de la rivière), et, à l'instar du film où la brume qui recouvrait le village au début du film se lève, on découvre finalement une intrigue trop plate pour tenir la route qui se substitue à la folie visuelle, et l'ambiance si particulière du début est éclipsée.
En cela, le film de Mocky se révèle être un beau gâchis ; il aurait gagné à avoir une histoire (ou plus simple ou mieux écrite de toute évidence), mais surtout, il aurait gagné à persister dans sa folie. Ce qui est rageant parce que visiblement, Mocky a du talent et je me réjouis de découvrir le reste de sa filmographie, et avec Litan, le potentiel était grand d'avoir un film de série B visuellement très perchés pouvant devenir un classique, mais l'intrigue alambiquée, lourdingue et inutile ruine complètement ce potentiel. Dommage.