Issu du Festival de Sundance (le festival américain des indépendants), succès public et critique de l'année 2006, deux Oscars et le César du meilleur film étranger, le premier opus du duo de réalisateurs Jonathan Dayton et Valérie Faris, Little Miss Sunshine a surpris tout le monde.
Les critiques ont souvent parlé d'un road movie beau et rafraîchissant, portrait au vitriol d'une certaine Amérique qui ne vit que pour le succès.
Toutefois, ce portrait acide se révèle vite être une baudruche et ce road movie anti-conformiste n'est en fait que le nouvel avatar d'une nouvelle forme de conformisme : le conformisme indépendant, avec critique sociale à deux sous, morale de comptoir et mauvais goût certifié du terroir.
Little Miss Sunshine est le portrait d'une belle famille de beaufs américains d'Albuquerque. Dans cette famille pas comme les autres, faisons les présentations :
- le Papy (Alan Arkin), sniffeur de coke et pervers, qui aime quand même beaucoup sa petite fille et qui l'encourage de toutes ses forces dans son entreprise de victoire.
- le Père (Greg Kinnear), arrogant pour rien et vrai looser tentant de vendre ses "9 points pour être un winner".
- la Mère (Toni Collette), aimant tout le monde même si elle est plutôt perdue dans cette famille.
- le Fils (Paul Dano), qui ne parle plus, qui lit Nietzsche (donc nihiliste et rebelle), cheveux nécessairement teints en noir.
- la Fille (Abigail Breslin) un peu grosse, qui rêve de participer à un concours de Miss America pour gamines.
Arrive dans cette magnifique famille le Frère de la mère (Steve Carell), professeur gay et suicidaire, spécialiste de Proust. "Welcome to Hell" écrivait le fils sur son calepin à ce dernier le premier soir. Il ne croyait pas si bien dire.
Après une longue discussion, ils décident de partir tous ensemble, dans le si célèbre van jaune, à Los Angeles pour encourager la fillette à son concours de "Little Miss Sunshine".
Évidemment, tout se grippe rapidement et les péripéties seront nombreuses avant l'arrivée à Los Angeles. Toutes ces péripéties tombent malheureusement à plat à cause d'un manque évident de prise de risque, ou, plus précisément, d'une prise de risque éminemment calculée.
Moment tragique du film, la mort du grand-père par exemple. Pour montrer qu'on est audacieux, on le fait sortir en douce de l'hôpital. Trop fort quand même, ils sont pas indépendants pour rien !, se dit-on. Mais bon, courageux mais pas téméraires, le mort ne sera jamais montré (attendez, c'est un film pour la famille quand même ! on peut pas faire trop trash). Autre moment d'une condescendance abominable : le contrôle par le policier. Peu après la séquence de l'hôpital où le grand-père a été récupéré, le klaxon du van se bloque et oblige donc la famille à se soumettre à un contrôle de police. Bien aidé par l'attitude suspecte du père, le policier décide d'ouvrir le coffre. Suspense, va-t-il découvrir le corps du papy ? Eh bien non ! Quelques revues pornos achetées plus tôt dans le film attirent son attention, il les récupère et s'en va sans demander son reste...
Après cette longue balade sur les routes d'Amérique, la famille arrive au concours, où l'inscription se fait de justesse (à quelques minutes près). "Oh ça n'est que cinq minutes", dira le brave homme (dont c'est la dernière année à ce concours) qui accepte d'inscrire la petite fille. Finalement, tout le monde s'apercevra de la superficialité du monde des concours de beauté pour enfants (!!!) et le Fils, qui aura repris la parole après avoir appris qu'il était daltonien (pourra pas devenir pilote comme il l'espérait tant le pauv'), peut déclamer la belle morale du film : "Il faut faire ce qu'on aime, le reste, on s'en fout !". Whaou !