Danse macabre
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le 20 janv. 2017
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Quatrième long métrage de Ben Affleck, l'accueil critique et public de Live by Night souffre malheureusement beaucoup de la comparaison avec les magistraux Argo, Gone Baby Gone, et avec The Town qui s'aventurait déjà sur le terrain de la pègre.
Je suis pour ma part allé le voir sans aucune attente particulière, uniquement motivé par sa belle affiche. Et c'est sans doute la raison pour laquelle je l'ai beaucoup apprécié et n'ai été ni déçu ni frustré par ce film très honnête et élégant que j'ai découvert, vierge de toute hype. J'ignorais même, jusqu'au générique de fin, qu'il avait été réalisé par Affleck lui-même!
Joe Coughlin, fils d'un commissaire dans le Boston des années 20, revient de la Première Guerre Mondiale sans illusions sur la nature humaine ni perspectives professionnelles dignes d'intérêt. Il s'improvise donc, avec un certain culot, braqueur de banques, et se fait assez vite une réputation de hors-la-loi. Il refuse cependant de s'engager dans la guerre des gangs qui oppose la Mafia italienne et la pègre irlandaise, car il sait bien qu'il n'y serait à nouveau qu'un pion, un soldat, ce qu'il ne veut redevenir à aucun prix. Trop sûr de lui et de son indépendance, il commet malheureusement une fatale imprudence qui lui coûte à la fois l'amour naissant qui le fait rêver de nouveau, et sa liberté... Il finira donc par rejoindre la Mafia italienne, poussé par une violente soif de revanche.
On ne peut qu'être séduit par l'élégance et la beauté déployées dans la reconstitution historique des Boston et Tampa (Floride) des années 20, ère fascinante de la Prohibition et donc des Speakeasies où l'alcool coule à flots grâce à une corruption généralisée. Les costumes sont très réussis, les décors sont beaux et magnifiés par une photographie somptueuse servie notamment par certains plans aériens splendides, et les ambiances sont très immersives. De même, les "gueules" choisies au casting pour les personnages secondaires mais aussi pour de simples silhouettes et figurants contribuent à rendre le tout extrêmement crédible et attractif. On s'y croit vraiment, et on n'a qu'une envie, celle de franchir la frontière qu'est l'écran de cinéma pour se plonger dans cette époque fantasmatique et en goûter les plaisirs délicieusement décadents.
Même si la réalisation elle-même est assez classique (certains ronchons la qualifient même de "scolaire" ^^), on peut noter avec bonheur plusieurs moments de bravoure que sont des fusillades nerveuses à la chorégraphie soignée et réussie, et surtout une poursuite automobile réjouissante puisqu'elle nous offre de rares images de cascades réalisées avec des Ford modèle T!
Le cadre est assez original puisque si la première partie du film se déroule à Boston, l'histoire se déplace dans un second temps vers Tampa, ville de Floride qui sert de plaque tournante pour l'importation de l'alcool de contrebande (du rhum en l'occurrence) qui inonde les bars clandestins de toute l'Amérique. Dans cette ville chaude et lumineuse, l'ambiance est assez différente de celles qu'on a l'habitude de voir dans les films de gangsters qui s'intéressent à cette époque, et on pensera plutôt à l'excellente série Boardwalk Empire dont une partie de l'intrigue se situait en Floride. Les enjeux n'y sont pas les mêmes que plus au Nord du pays, et les interactions entre les nombreuses origines ethniques et leurs cultures spécifiques sont aussi plus complexes. Le métissage existe et produit des choses intéressantes, notamment au niveau musical, mais le racisme y est également très fort, non seulement des Blancs envers les Noirs avec la puissante influence du Ku Klux Klan, mais aussi entre Protestants et Catholiques, entre Cubains et Dominicains, entre Noirs et Hispaniques, etc... Une thématique importante dans le film, même si elle n'est malheureusement pas aussi approfondie qu'on pourrait s'y attendre au vu de sa présentation lorsque Joe s'installe dans la ville de Tampa.
On y découvre des personnages secondaires charismatiques, notamment le chef de la police Irving Figgis incarné par l'excellent Chris Cooper (très marquant en père homophobe dans le génial "American Beauty" de Sam Mendès, ou plus récemment vu dans la chouette mini-série 11.22.63 avec James Franco, adaptée d'un roman de Stephen King) ou encore sa fille Loretta, jouée par la fascinante Elle Fanning (The Neon Demon, Super 8) dont l'arc narratif aurait mérité plus de temps à l'image.
Le cheminement du personnage de Joe Coughlin à travers sa vie de hors-la-loi mais aussi au niveau personnel est lui aussi intéressant même s'il n'est pas follement original. Doté d'un sang-froid à toute épreuve, physiquement imposant (Ben Affleck porte encore les traces de sa transformation physique dûe à l'entraînement suivi pour incarner Batman), et assumant la violence lorsqu'elle est nécessaire, il n'est pas pour autant sans foi ni loi. Il est doté d'une conscience, n'aime pas la cruauté et supporte mal la bêtise, et a des aspirations profondément romantiques. Ben Affleck livre une interprétation assez juste même si elle manque parfois un peu de nuances. Sa trajectoire, si elle s'inspire de certaines déjà vues à de nombreuses reprises au cinéma (on pense notamment à L'Impasse, Carlito's Way en Anglais, avec Al Pacino), a au moins le mérite d'être sincère et toujours cohérente. Il sait pourquoi il est là, ce qu'il est prêt à faire pour réaliser son objectif, et là où il ne veut pas mettre les pieds, quitte à prendre de gros risques.
En définitive, si le film n'est pas exempt de défauts comme une réalisation trop classique, un manque d'exploitation de certains personnages (comme, et c'est très dommage, celui du commissaire Thomas Coughlin, le père de Joe joué par l'excellent Brendan Gleeson), et un traitement des thémes du racisme et de la religion pas assez approfondi, sans réinventer le genre du film de gangsters il en est un plus qu'agréable à regarder, comportant de nombreuses belles surprises et une ambiance générale assez originale pour qu'elle vaille à elle seule d'aller le voir.
Live by Night est donc un bon film, auquel il aura sans doute manqué une petite demi-heure pour développer plus en profondeur certains aspects et en faire une grande fresque marquante.
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Créée
le 23 janv. 2017
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