Pour son nouveau film, Liz et l'oiseau bleu (2018), Naoko Yamada semble décalquer Silent voice (2016) en appliquant une très légère pression. Le style très distinct du cadrage et du découpage de la réalisatrice délimite toujours le dessin. Le contenu s'estompe.
Alors que Silent voice multiplie les personnages de mélodrame et leurs confrontations dans un sentimentalisme visuel à coup de tentative(s) de suicide face à un feu d'artifice, chutes de pétales de cerisiers, pleurs... Liz et l'oiseau bleu propose un parallèle minimaliste en observant les émotions intériorisées de lycéennes dont les années de scolarité partagée arrivent à terme.
Deux jeunes filles à contretemps, l'enjouée flûtiste vêtue de chaussettes noires comme la note rapide et l'introvertie hauboïste aux chaussettes blanches comme la note lente. Chacune se découvrira et comprendra l'autre en apprenant à interpréter le monde qui les entoure à travers le conte musical d'un oiseau libéré de sa cage. Une histoire située en Allemagne à une époque proche du développement du romantisme. Un courant que Naoko Yamada s'applique à réorchestrer dans un monde clos d'adolescentes en liant les arts de l'époque conte, peinture et musique dans celui du XXème siècle, le cinéma. Un film plus calme que le précédent donc, consistant en deux personnages enfermés derrière les barreaux du lycée qu'elles arpentent à un rythme de plus en plus décalé comme leur musique. La première se réfugie dans un groupe pour éviter les sentiments de la seconde qui elle-même se cache dans une salle de biologie aux décors morbides par ses deux trois squelettes en arrière-plan et de "mignons" poissons venimeux.
À l'inverse du flamboyant conte, les couleurs et les sons du lycée sont atténués. Si un visage s'empourpre le changement de couleur est à peine distinguable, au point qu'on se demande si l'on ne l'imagine pas par pure convention. Les sons extérieurs aux jeunes filles sont à peine audibles, comme la pluie torrentielle qui n'assombrit que légèrement les fenêtres et s'entend moins qu'un froissement de vêtement, une respiration, un bruit de pas ou une natte de cheveux se balançant.
Tout en estompant les situations, Yamada radicalise ses images. Sa façon de filmer les corps par inserts impose une vision des adolescents en êtres morcelés, ne formant pas encore un tout, et à la vision tout autant imprécise du monde qui les entoure. Les émotions – l'anxiété surtout – s'expriment non pas par la parole ou l'expression du visage mais se devinent à travers des fragments de corps, comme une hésitation du genou à enclencher un pas, une main s'agrippant à des liens en serrant une bobine de fil ou au contraire des gestes soudains et trop enjoués pour être honnêtes après une suspension maladroite du mouvement. Et quand les sentiments s'oralisent dans des tentatives de déclarations timides, le cadrage cruel les fait parler au mur qu'est le bord noir de l'image aussi fermé et sourd que "l'autre".
Si le fond peut sembler classique, du cinéma pour jeunes filles sous forme de roman d'apprentissage par l'art, la forme sublime le tout nouant compréhension de la fiction et interprétation de la musique par les deux musiciennes en rythme avec l'image pour un impressionnant (et pourtant si simple) crescendo émotionnel.
L'ost