Fantasia chez les Ploucs

Voici un sympathique divertissement auquel il manque un peu trop pour être un excellent film.
Au rayon réussites, un casting solide à défaut d'être entièrement convaincant (Daniel Craig, pas dans son élément avec son southern accent) et deux frères attachants, que l'on a envie de voir réussir leur coup.
Cela commence comme un genre de film social dans les Appalaches mais c'est une fausse piste: sans réelle motivation autre que la perte de son job et sans non plus que cela semble cadrer avec sa personnalité, notre Logan #1 décide de commettre avec son frère un braquage du genre ambitieux. Le film joue la carte du pittoresque sudiste jusqu'à l'écoeurement. Parfois ça marche: la scène où la petite fille chante sur scène "Take Me Home, Country Roads" est étonnamment émouvante car elle arrive à faire la jonction entre l'intime et le collectif.
Mais plus souvent, on tombe dans le folklorique: la mise en scène d'un mode de vie redneck un peu trop rutilant pour être honnête, les bagnoles, les filles pas très classes, les crétins congénitaux, il ne manque guère qu'un grand barbecue pour avoir la totale.
Le plus gros défaut pour moi de ce film c'est qu'il a du mal à trouver son sujet et son ton: trop réaliste pour faire croire à la simple farce, trop simpliste pour faire un film de braquage ou d'évasion passionnant, pas assez drôle pour être une comédie mémorable, pas assez poignant pour en faire un drame social-intimiste réussi.
Il est à la croisée sudiste des chemins entre la bouffonnerie white-trash de Kenny Powers, la comédie Nascar à la Talladega Nights (personnage britannique ridicule inclus) et O'Brother des frères Coen (les deux frères de Craig en semblent échappés, comme l'uniforme de pénitencier de Craig lui-même).
On suit tout de même cela sans déplaisir, même si certaines scènes paraissent bâclées.
En revanche le twist des 5 dernières minutes, loin d'améliorer le film, laisse sur l'impression d'une manipulation une fois encore contradictoire avec les deux heures qui précèdent, d'autant que Soderbergh ne résiste pas à la tentation (que l'on voit venir de loin) d'un ultime retournement, renforçant cette impression d'artificialité.
Il reste un film qui réussit dans l'ensemble sa mission de divertir mais qui aurait gagné à muscler son scénario et resserrer son propos.