En partant d'un exercice de style, par ailleurs totalement réussi (la recréation de l'univers des mélodrames "flamboyants" de Douglas Sirk), Todd Haynes réalise une œuvre brillamment moderne, où le contrôle des affects, symbolisé par la magnifique raideur des acteurs, et la complexité des non-dits démontre une superbe maîtrise de l'art cinématographique. Mais bien sûr, au-delà de la forme, "Far from Heaven" est à la fois le portrait désolé d'une Amérique aux préjugés cruels, et une émouvante offrande à tous ceux qui en ont souffert ou en souffrent encore. Avec ce film, Todd Haynes entre, comme on le pressentait, dans le cercle étroit des réalisateurs qui comptent. [Critique écrite en 2003]