Passer la censure américaine fut le grand défi de ce film car la réputation sulfureuse du roman de Nabokov rendit son adaptation délicate ; c'est pourquoi Kubrick fut contraint d'édulcorer l'aspect érotique latent du livre, et aussi de tourner en Angleterre. Nobokov qui avait refusé tout d'abord d'en écrire l'adaptation, finit par livrer un script de 400 pages, mais Kubrick n'en utilisa que 20%, il a d'abord fait vieillir Lolita en supprimant ses 12 ans du roman et en engageant la jeune Sue Lyon qui avait 16 ans à l'époque du tournage mais qui en paraissait davantage. Puis il amplifia le rôle de Clare Quilty tenu par Peter Sellers afin de contrebalancer une sorte de rationalisme ironique sur l'american way of life, ce personnage étant décalé et grotesque.
Mais l'autre difficulté pour Kubrick était de ne pas rendre ce récit d'amour obsessionnel pervers, dégoûtant ou sordide, son écriture et sa perception sont donc d'une grande justesse même si l'ensemble peut paraître auto-censuré. Et d'ailleurs, contrairement à la plupart des gens, je n'ai apprécié que très modérément le roman, je ne suis donc pas de ceux qui clament haut et fort préférer le roman et que le film l'a trahi, je préfère nettement le film où Kubrick qui regrettait un peu de n'avoir pas autant de poids érotique que le livre, a su cependant conserver la psychologie des personnages et la tonalité du récit. Les acteurs principaux sont très bons, notamment James Mason qui apporte son ironie grinçante à cette histoire très particulière.