Un mythe méconnu en France et qui le restera...
L’équipe de la trilogie Pirates des Caraïbes (à savoir l’acteur Johnny Depp, le réalisateur Gore Verbinski, le producteur Jerry Bruckheimer, les studios Disney, le compositeur Hans Zimmer, le tandem de scénaristes Ted Elliot et Terry Rossio…) se reforme ici pour un western. Ou plutôt pour l’adaptation d’une série radio puis télévisée culte aux Etats-Unis. Mais peu connue à l’internationale (déjà chez nous), ce qui handicape le film. En plus d’une production tout le temps reculée pour cause de budget pharaonique revu à la baisse (ça sera finalement 215 millions de dollars au lieu des 260 annoncés), Disney ayant peur de dépenser énormément et d’avoir un fiasco commercial tel que le récent John Carter. Et malheureusement, le film s’est fait ardemment scalpé par la presse et le peu d’entrées. Un échec justifié ?
Ne connaissant pas The Lone Ranger, il est temps de se mettre dans le bain ! Il s’agit tout simplement d’un ranger solitaire (heureusement que le titre n’a pas été traduit !!) qui joue les justicier avec son acolyte, un Comanche du nom peu glorieux de Tonto (« idiot » en espagnol). Et comme le spoile aussi bien cet affreux titre à la sauce française (Lone Ranger : Naissance d’un Héros), le film n’est rien d’autre que la première aventure de ces deux compères. Pour le public profane de la série, c’est plutôt réjouissant de commencer par le début. De lui faire découvrir comment tout cela a bien pu commencer en présentant chacun des personnages. Le tout en plaçant quelques références à la série d’origine que les adeptes pourront reconnaître sans mal. Comme la musique principale de cette dernière (c’est d’ailleurs la seule chose que l’on connait de la série, sans qu’on le sache, alors ne vous étonnez pas de sa présence à la BO), utilisée ici pour la scène d’action finale.
Mais The Lone Ranger est avant tout un hommage aux westerns, et cela se voit dès la première scène (où un enfant déguisé en cow-boy semble émerveillé par l’exposition d’un chapiteau de fête foraine et par l’histoire contée par un vieux Tonto) ! Un hommage qui reprend les codes du genre, sans s’en cacher : des méchants balafrés et cradingues, des plans qui font la part belle aux décors (immenses plaines, déserts, montagnes « carrées »…), des scènes typiques aux westerns (le train, les fusillades, l’attaque d’Indiens, le braquage de banque), le racisme de l’époque (les Indiens sont des sauvages, les Chinois sont des esclaves au chapeau rond qui ne comprennent rien…) et des détails cultissimes (l’harmonica en fond sonore, les ombres et silhouettes, le bruit des éperons…). Tout y passe ! Seulement voilà, le western est un genre d’une autre époque qu’il faut moderniser avec énergie. Ce qui n’est malheureusement pas le cas ici… Car dans The Lone Ranger, tout le monde semble fatigué !
À commencer par les scénaristes et le monteur, qui ont carrément démoli le film question rythme ! Ils font démarrer le film par une petite présentation puis une entraînante scène de train (au moins 15 minutes de film) pour effectuer une trop longue mise en place à une seconde scène de train au dernier quart d’heure (sur une durée de 2h30). En attendant celle-ci, on doit passer par des séquences souvent étirées pour rien, des retours en 1933 inutiles (où le garçon écoute le vieux Tonto) et surtout des séquences qui sentent le déjà vu (les scénaristes semblent avoir pioché ce qu’ils ont fait sur La Légende de Zorro en ce qui concerne la scène de train finale). En passant par des personnages secondaires en tête d’affiche (je pense à celui interprété par Helena Bonham Carter), apparaissant à l’écran que pendant quelques minutes. Et puis, ça manque d’humour ! Ou du moins, le film ne se montre pas aussi déjanté, énergique et spectaculaire que ses deux grosses séquences d’action, seules attractions potables de ce blockbuster.
Une énergie qui manque également à ce cher Johnny Depp, qui semble bien loin des personnages qu’il a interprétés dans le passé (Edward, Ed Wood, Ichabod Crane, Willy Wonka, le Chapelier Fou, Barnabas et, bien entendu, le mythique Jack Sparrow !). Il faut reconnaître que le maquillage et le costume (torse nu, le visage grimé en blanc, zébré de noir, un corbeau mort perché sur son crâne) lui vont comme un gant. Mais on est loin du pirate qu’il faisait jadis pour Gore Verbinski. Beaucoup rapproche The Lone Ranger à Pirates des Caraïbes. Vraiment dommage, car il forme un bon duo avec son compagnon Armie Hammer. Un tandem qui doit affronter les bons William Fichtner, Tom Wilkinson et Barry Pepper, et s’associer aux admirables Bonham Carter et Ruth Wilson. Vraiment dommage, oui ! Car, en y regardant bien, Depp ne semble s’amuser qu’en tant que vieux Tonto, là, véritablement déjanté ! Et sur le papier, c’est beau de montrer l’Indien différemment que dans les westerns classiques (autre que Sauvage). Faut juste que cela se voit à l’écran et dans le scénario…
Même l’équipe technique semble fatiguée ! Si les costumes, décors et maquillages sont à la hauteur du budget, d’autres domaines ne semblent pas suivre. Comme les effets numériques. Et quand on sait que c’est l’équipe d’ILM qui s’est chargée du job, on ne peut qu’être déçu devant des animaux bien trop numériques (ce troupeau de bisons, beurk ! et ces lapins… carnivores ???), et des fonds verts un peu trop visibles, faisant perdre énormément de charme à un genre qui préfère depuis toujours le travail en studio que par ordinateur. Déception également de la part d’Hans Zimmer. Le compositeur donne l’impression d’avoir tout donné sur Man of Steel au point de ne plus offrir une BO ébouriffante comme il sait si bien les faire (en même temps, la lenteur du film ne l’a sans doute pas trop aidé). Il se contente juste de remettre au goût du jour le thème principal de la série (http://www.youtube.com/watch?v=3LiaXIAwemk) le temps d’une séquence d’action.
Beaucoup reprochent à ce Lone Ranger d’être l’équivalent « westernien » de Pirates des Caraïbes. Personnellement, j’ai trouvé que les deux films étaient différents (à part peut-être Jusqu’au Bout du Monde pour ce qui est des défauts). Et franchement, j’aurais amplement espérer le contraire ! Tant The Lone Ranger manque d’énergie. Il ne s’agit ni plus ni moins de deux scènes d’actions avec un grand vide ennuyeux au milieu de tout cela pour le prétexte d’une longue durée interminable. The Lone Ranger, un échec commercial et aussi critique ? Avec le budget, l’équipe et l’héritage (aussi bien de la série que des westerns en général) en jeu, on pouvait s’attendre à quelque chose de grandiose. Nous nous retrouvons juste avec un blockbuster qui se fera oublié aussi vite que le mythe du Lone Ranger en France.