De moins en moins motivé à trainer mon joli p'tit cul dans les salles obscures (c'est cher, le bluray sort dans quatre mois, y a des gens bizarres que je connais pas, faut que je mette un pantalon et je peux pas mettre pause pour aller faire valser la petite gougoutte), je n'avais pas prévu d'aller voir le nouveau délire du trio Bruckheimer / Verbinski / Depp, en gestation depuis 2008 quand même, ce qui n'augure pas forcément quelque chose de bon. C'est intrigué par des retours positifs du plus mad des magazines et de l'excellente critique de Fritz_the_cat (http://www.senscritique.com/film/Lone_Ranger_Naissance_d_un_heros/critique/24773981) que je me décide à sacrifier deux heures et demie de mes vacances.
On ne le dira pas assez mais près de deux heures et demie pour un spectacle de ce genre, c'est tout de même un peu excessif, d'autant que, avouons-le, l'action est loin d'être omniprésente et on ne peut s'empêcher de se dire que le film de Verbinski aurait largement pu coûter moins cher que son budget pharamineux. Et mettre Helena Bonham-Carter sur l'affiche alors que sa participation tien plus du coucou amical, c'est limite malhonnête. Voilà, ça c'est pour le coup de gueule nécessaire à la survie de ma crédibilité. Parce que je sens qu'elle va encore en prendre un coup quand j'apprendrais à mes proches que je me suis éclaté devant ce "Lone Ranger", seulement deux jours après leur avoir avoué que je regardais "Vampire diaries".
Je ne sais pas quelle mouche a piqué Gore Verbinski, à peine remis des effluves psychédéliques de son sympathique "Rango", pour pondre un blockbuster pareil mais il est probable que Mickey Mouse ne va pas tarder à lui envoyer les papiers du divorce. Il est effectivement difficile à croire qu'un film aussi sombre, aussi amer, ai pu sortir des studios Disney sans passer par la case remontage.
S'ouvrant sur un prologue plein d'amertume qui servira de fil rouge au récit, cette relecture du "Lone Ranger" né à la radio s'attarde moins sur la soit-disant naissance d'un héros que sur la lente agonie d'un monde rongé par un "progrès" typiquement anglo-saxon, Verbinski et ses scénaristes faisant de ce divertissement estival rien de moi que l'éloge funèbre de légendes de l'ouest ne collant plus au tableau d'une société moderne.
Un ton étonnamment mélancolique imprègne ainsi le film de Verbinski, constamment sur le fil à force de jouer avec les ruptures de ton et qui sidère plus d'une fois par la noirceur de certaines séquences, franchement violentes pour ce genre de production familiale, même si on nous épargne bien entendu toute effusion de sang.
Jouant la carte de la parodie tout en ne se moquant jamais du matériau de base, contrairement au "Green Hornet" de Rogen et Gondry qui se foutait royalement de la série initiale, "Lone Ranger", derrière son ambiance désenchantée, n'en oublie cependant pas le spectacle, proposant des séquences d'action certes rares mais diablement spectaculaires, en premier lieu la poursuite finale, beau morceaux de bravoure valant à lui seul le déplacement.
Traversé d'un certain décalage proche de Fellini (le passage dans le bordel), "Lone Ranger" est également drôle, saupoudrant son récit d'un humour burlesque et parfois complètement déjanté, aspect renforcé par le cabotinage pour une fois productif d'un Depp totalement schizo, et par ses échanges avec l'excellent Armie Hammer, loin d'être un simple faire-valoir à la star. Bien au contraire, les deux héros se révèlent parfaitement complémentaires et sur le même pied d'égalité, chacun permettant à l'autre d'évoluer.
Contre toute attente, "Lone Ranger" n'a rien du fiasco à la "Wild Wild West" annoncé et se révèle être finalement un divertissement presque schizophrène, aussi sombre et violent que décalé, compensant un rythme en dents de scie et une intrigue un brin prévisible et avare en action par une belle ampleur et surtout, par une honnêteté évidente et une coolitude absolue, rappelant parfois les meilleurs moments de "Retour vers le futur 3".