Andrew Niccol m'avait presque ému aux larmes avec le final poétique de Bienvenue à Gattaca...
Mais ce Lord of War, s'il n'est pas dénué de qualités, éprouve bien des difficultés à marquer sur le plan émotionnel... Je ne suis pas certain de savoir à quoi cela serait dû, mais il ne m'étonnerait pas que le cynisme de l'ensemble des personnages annihile toute empathie, et même envers celui de Jared Leto... En revanche, d'un point de vue pédagogique, le film parvient parfaitement à faire passer son message politique. En même temps, une voix-off omniprésente passe son temps à tout nous expliquer : c'est bien sur le fond, mais certainement moins bien au niveau de la force narrative.
Sur le plan esthétique, l'introduction du film avec ces milliers de cadavres de balles tapissant le sol nous en met d'emblée plein la vue, et force est de constater qu'à ce niveau-là, la réalisation d'Andrew Niccol n'a pas à rougir. C'est du bon boulot, comme pour la mise en scène.
L'histoire. Il s'agit de celle d'un trafiquant d'arme d'origine ukrainienne - incarné par un Nicolas Cage moyennement inspiré - ne cessant de justifier son business par la philosophie du "responsable mais pas coupable". L'histoire d'un homme cynique donc, hypocrite mais surtout très lâche... Un personnage intéressant tout de même, puisqu'il avouera ne faire ce boulot que parce qu'il s'y trouve doué. Mais c'est également pour gâter la princesse dont il a toujours rêvé qu'il ira jusqu'à brûler les ailes d'une partie de sa famille, et notamment celles de son petit frère - qui deviendra au passage cocaïnomane - tandis que ce dernier estimait d'abord "qu'il vaut peut-être mieux ne rien faire que faire ça"...
La force de Lord of War, en dehors de nous expliquer clairement la géopolitique au sein de l'ex-URSS et les opportunités offertes par un communisme s'ouvrant au capitalisme, c'est de nous montrer sans détour les horreurs perpétrées par ceux avec qui les marchands d'armes trafiquent... Et toutes ces kalachnikov abandonnées aux factions terroristes ou politiques de pays pauvres n'ayant pour seul but que de semer la mort au sein de populations locales n'est pas sans nous rappeler ce qui se passe actuellement, et plus seulement à nos portes... On en apprend aussi de belles sur les changements de pavillons des cargos transportant les armes, sur le jeu du chat et de la souris entre Interpol et notre anti-héros, appuyé par la scène sidérante d'un avion en mode "opération morts ouvertes" - qui sera par la suite dépecé en pleine brousse africaine - ne faisant qu'entretenir un peu plus les guerres civiles locales. Les armes un moyen de se défendre ? Mon cul.
Un film violent et intéressant sur le fond donc, mais il manque vraiment un truc ou deux pour le rendre passionnant d'un point de vue cinématographique. Un autre premier rôle peut-être ? Moins de voix-off et plus de dialogues ? Moins de nihilisme et un peu plus d'amour, d'espoir, ou de rêves ? Vraiment, c'est pas facile à dire. Ah, je sais, ça doit manquer d'humour en fait, et même d'humour noir...