Réalisation magistrale d'une peinture sombre de la société

Je n'ai pas tout à fait compris la fin. Ou plutôt, je pensais avoir compris la fin avec une évidence crédule, et en discutant avec mes camarades de visionnage je me suis rendu compte que nous avions des énigmes non résolues. Avons-nous été inattentifs ? Il y a-t-il une dimension poétique, symbolique, allégorique que nous n'avons pas su déchiffrer ? Cela mériterait une autre séance.


A part ça, j'ai été happé pendant tout le film. Malgré une certaine forme de « poésie (sombre) » et des moments de contemplation, on ne s'ennuie pourtant jamais car il se passe tout le temps quelque chose. Les acteurs sont crédibles et arrivent très bien à nous représenter des jeunes abandonnés, désolés et perdus dans un monde qui les rejette, et qui ne s'accroche qu'à un seul espoir, celui de récupérer cette terre qui leur est due, et qui leur permettra enfin de vivre « une vie tranquille ». Ils ont parfois des comportements de « voyous », peuvent faire preuve d'incivilité, mais on ne peut pas faire autrement que de ressentir de l'empathie pour ces jeunes, le film et l'interprétation des acteurs arrivant à nous faire percevoir à la fois leur humanité et aussi et surtout les inhumanités dont ils peuvent être victimes.


En bon français, je n'ai pas pu m'empêcher tout le film de faire le parallèle avec les concepts d'égalité, de liberté et de fraternité.

L'égalité car chez ceux qui n'ont rien, tout est à tout le monde. D'abord ce terrain, qui n'est en réalité que l'héritage d'un seul, sans pourtant que ne jamais soit remis en cause le fait que celui-ci sera la maison de cette fratrie choisie. Le moindre produit de consommation sera partagé : la mangue, la soupe, l'alcool, le pétard.

La liberté d'abord de celui de jeunes sans famille, sans éducation, sans repères, qui ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour s'en sortir et avancer. La liberté de ceux qui se l'octroient, bravant parfois les interdits moraux, les interdits légaux, et bravant la peur et le doute. La liberté enfin comme objectif, comme visée, comme espoir comme rêve. Le rêve d'avoir un terrain pour y vivre d'une manière libre. La liberté comme aspiration.

Puis, il y a la fraternité, celle de frères qui se sont choisis, soudés contre le monde, soudés malgré leurs différences, malgré les difficultés, malgré les trahisons, malgré les peines. A la vie à la mort.


Cette épopée est tragique, et elle nous montre d'une manière crédible les pires bassesses d'une société pauvre et désordonnée, où l'impunité est la seule réponse à la violence, si ce n'est plus de violence.


La réalisation elle, est superbe. Les plans sont magnifiques et sont sublimés par des transitions exceptionnelles : le son du vent qui souffle lorsque les personnages descendent une route en vélo à fond, qui transitionne sur le son du vent des pneumatiques du camion à leur destination, le monochrome du noir complet qui survient une fois que les jeunes ont cassé toutes les lumières de la rue, puis la lumière des étincelles de machettes, puis la transition sur un autre quasi monochrome, très lumineux, d'un ciel nuageux. Il y a plusieurs transitions de ce genre dans le film, et c'est un véritable régal.


Je sais pas si c'est le côté latin qui m'influence, mais j'y vois des points communs entre ce film et Cidade de Deus, mais aussi et peut-être surtout la série Too Old to Die Young de Refn.


Pour conclure, c'est un film que je recommande, car c'est une vraie œuvre cinématographique, avec un vrai effort d'écriture, de casting et de réalisation, quelque chose nous pourrions nous inspirer pour nos productions françaises qui ne lui arrivent pas à la cheville. Néanmoins, il s'agit d'une histoire tragique, violente, sombre et qui pourra heurter la sensibilité des moins habitué⋅es du genre.

Aune
8
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le 24 juin 2023

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Aune

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