Los Salvajes par pierreAfeu
Los salvajes est comme un long mouvement musical. Le prologue rapide et rythmé précède une mélodie centrale, lente mais souvent fracturée, qui laisse subtilement place à un final puissant.
Film de bruissements, de dissimulations et de fuites, il se révèle sur la longueur. Et s'il arrive que l'on décroche [en milieu de film], c'est comme lorsqu'on écoute un morceau de musique et que notre esprit vagabonde. Souvent en creux, la narration fait quelquefois du sur-place, illustrant ainsi la lente transformation des personnages du film.
Jeunes délinquants évadés de prison, groupés en meute illusoire, chacun poursuivant finalement son chemin pour lui-même, sans but précis, bientôt attiré par un ailleurs se révélant à lui seul, les cinq héros de Los salvajes, quatre garçons dont deux frères, une fille, passent progressivement d'un état de fuite [l'évasion et la drogue] à celui d'une rude confrontation avec la nature. C'est la mort, l'acceptation, le départ ou l'osmose, mais c'est un destin singulier et unique pour chacun.
Dialogues a minima, magnifiques prises de vue, cadre mouvant et son travaillé, Los salvajes s'inscrit dans la mouvance passionnante d'un cinéma sensitif, une narration des corps et de l'animalité, une quête des sens au-delà des mots. Le film se nourrit de la beauté brute et de la puissance animale de ses jeunes interprètes, tous parfaitement en symbiose avec la nature qu'ils cherchent à dompter.
Aussi apaisant que brutal, souvent cruel, le film d'Alejandro Fadel nous enveloppe d'une peau de bête alors que la nature se déchaîne, puis disparaît, livrant ce que nous avons su prendre et gardant le reste pour lui. Le plaisir cinématographique garde toujours sa part de mystère.