Réalisme magique pas mort ! Et plus présent dans le cinéma latino-américain que dans sa littérature, d'ailleurs (exemple récent : Zama de Lucrecia Martel). Los Silencios se situe stricto sensu dans une "Amazone frontière" au beau milieu du grand fleuve et aux confins du Brésil, du Pérou et de la Colombie. Un endroit qui existe dans la réalité et dont les habitants croient à la présence du surnaturel. Pas de frontière entre les vivants et les morts, une situation qui prend une teinte toute particulière dans Los Silencios, dans le contexte de la fin de la guerre civile en Colombie qui aura opposé pendant 40 ans guérilleros et paramilitaires. Visuellement somptueux (la scène finale est un enchantement esthétique), le deuxième film de la brésilienne Beatriz Seigner (rien à voir avec son premier, Bollywood Dream) évoque la violence du conflit, la souffrance des vivants et les plaintes des morts, dans une narration à la douceur surprenante et envoûtante. Le film commence pourtant de manière très réaliste avant de dériver au fil de l'eau dans cet univers où se côtoient ceux qui survivent et ceux furent, des fantômes sans volonté de nuire, un peu comme dans les films de Weerasethakul. Pour apprécier pleinement Los Silencios, Il faut céder à la fascination des images et se laisser entraîner en un voyage initiatique dans les limbes aquatiques.