"Lost Highway", c'est le genre de film sensoriel qui divise autant qu'il déroute. A partir d'une histoire de mari saxophoniste jaloux et de VHS intrusives, David Lynch nous embarque rapidement dans un trip surréaliste mêlant néo-noir et horreur, dont lui seul a le secret !
Que l'on apprécie ou pas cet univers barré, il faut admettre en premier lieu la réussite technique. Lynch n'a pas son pareil pour créer une ambiance étrange, exploitant ici régulièrement l'obscurité d'où peut surgir une menace, des travelings inquiétants, des idées géniales de mise en scène (le fameux Mystery Man !), et un montage sonore enivrant. Lynch est également très habile pour jouer entre les genres. Entre deux séquences dignes d'un classique du film noir, ou des passages très sensuels, il nous gratifie d'un délectable humour absurde.
Les acteurs ne sont pas en reste. Bill Pullman trouve sans doute là l'un de ses meilleurs rôles, bien loin du président pompeux qu'il incarnait dans "Independence Day" l'année précédente. Il est ce mari jaloux dont on comprend rapidement que le couple ne tourne pas rond, et qui cache peut-être des obsessions ou maladies profondes. Patricia Arquette, charnelle à souhait, fait éclater l'écran dès qu'elle apparait dans son double rôle de femme fatale. Robert Loggia semble beaucoup s'amuser en gangster redoutable. Tandis que Robert Blake est flippant à souhait en Mystery Man...
Au-delà de cette réussite formelle et de cet univers étrange, le génie de "Lost Highway" consiste, comme dans "Mulholland Drive", en ses diverses trouvailles visuelles ou scénaristiques, qui donnent suffisamment de matière pour élaborer les théories les plus folles, mais aucune explication pour les départager ! Histoire de vengeance surnaturelle, de dédoublement de personnalité, conte sur la jalousie, trip nostalgique et correcteur en attendant la mort : les interprétations sont légions, et contribuent beaucoup à la puissance de "Lost Highway".