Lost in La Mancha
7.4
Lost in La Mancha

Documentaire de Keith Fulton et Louis Pepe (2003)

Toutes les limites de la caméra embarquée affleurent dans ce documentaire qui semble souffrir des mêmes limitations qui ont eu raison de son sujet, L'homme qui tua Don Quichotte de Terry Gilliam.


Malgré les 30 minutes introductives, la narration peine à nous convaincre du travail effectué en amont par Gilliam en vue du film. On nous parle de 10 ans mais on ne voit pas grand chose, tout au plus des esquisses dont nous ne savons pas si elles ont été effectuées pendant ou avant le tournage. Quand la pré production commence, on comprend que tout ne sera pas prêt à temps, que les acteurs ne se rendent pas disponibles, que le planning est serré et le risque de ne pas voir le film est grand. Dès que le tournage commence, le film enlève son étiquette cache-sexe de documentaire pour agiter devant nous son braquemart de gros thriller hollywoodien.


Un thriller inversé avec un gentil, l'assistant réalisateur qui fait tout pour que le film soit tourné, un méchant ambigu qui est le réalisateur lui-même, une flopée de producteurs français tous plus fourbes et mauvais anglophones les uns que les autres, des acteurs prêts à sacrifier leur santé pour que le film se fasse (les gentils) et surtout, la fatalité qui écrase nos héros de son irrésistible main.


Qui a connu l'ambiance de tournage verra avec tendresses les péripéties de tous les plateaux, du youtubeur amateur jusqu'aux machines hollywoodiennes : les guerres d'egos, l'agressivité à peine déguiser, les disputes continuelles et non frontales, les coups de gueules à intervalles réguliers du maitre d'oeuvre et les imprévus qui auraient pu l'être.


Nous sommes en revanche moins convaincus par le mobile du suspense, à savoir que le film soit bouclé dans les temps. Ne se payant le luxe d'aucun commentaire sur l'accès au financement d'un film, la plausibilité de reporter le tournage ou non, et surtout de la nécessité de tourner ce film (qui de vous à moi dispose tout de même d'un scénario douteux), les réalisateurs abîment leur unique ressort narratif.


A vouloir dramatiser leur récit selon les codes hollywoodiens, ils tournent le dos à la tragédie antique dont l'épisode de la pluie offre pourtant une illustration magnifique. Dire que le film était tourné en Europe pour échapper aux requins d'Hollywood, dommage que Fulton et Pepe n'aient pas eu le courage de rendre hommage au continent qui a vu naitre ce genre théatral en ré écrivant une histoire qui y ressemblait pourtant énormément.


On appréciera également le rappel de ce fait parfois ignoré que le plus grand acteur lors d'un tournage, c'est le réalisateur.

Fabrizio_Salina
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le 8 mai 2016

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Fabrizio_Salina

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