Commençons d'emblée par le principal défaut du film, le trop plein de références qui le jalonnent ne permettent pas de distinguer, même s'il s'agit d'un premier film, une signature Gosling. Néanmoins, le réalisateur, ayant été à bonne école, s'inspire des plus grands auteurs contemporains comme Nicolas Winding-Refn ou Terrence Malick (crédités au générique). Si ces inspirations sont à la fois un défaut et une qualité du film c'est qu'elles ne permettent pas à Ryan Gosling de lâcher prise et de se livrer totalement tout en invoquant une certaine puissance esthétique.
Les références évoquées ne rendent pas, contrairement à ce que l'on pourrait penser, le film moins personnel car Gosling les utilise pour mettre en forme une histoire originale qui prend racine dans la sienne. En effet, le réalisateur signe également le scénario du film et y injecte de fait des souvenirs de son enfance.
D'un point de vue visuel, le film est splendide. Ryan Gosling choisit de filmer Détroit pour donner corps à sa cité imaginaire. Le choix de cette ville n'est d'ailleurs pas anodin puisque Détroit est l'ancien bastion de l'automobile aux USA et vient tout juste sortie de la faillite il y a quelques mois. Gosling film Détroit comme ce qu'elle est, une ville fantôme. Comme dans le dernier film de Jim Jarmusch, *Only Lovers Left Alive*, l'atmosphère de la ville vient peser sur le film et en même temps dire quelque chose de la société américaine. Le rêve (américain) semble brisé et subsistent alors des (villes) fantômes ou des vampires. Cette beauté macabre et glauque de la ville est parfaitement mise en lumière par le chef opérateur Benoît Debie, qui a travaillé sur *Enter the Void* de Gaspar Noé ou plus récemment sur le chef-d'oeuvre de Harmony Korine, *Spring Breakers*. On retrouve clairement sa patte dans le choix des couleurs fluo omniprésentes dans le film. On peut également noter la présence d'une très belle B.O. signée par Johnny Jewel de Chromatics et la superbe chanson *Yes*.
Dans son film, Ryan Gosling dessine des personnages très forts, du niveau de ses acteurs. Le casting est parfait, de Christina Hendricks à Eva Mendes en passant par Saoirse Ronan ou Matt Smith, tous apportent de la vie au long-métrage. Néanmoins, les personnages joués semblent tous habités d'une force étrange et macabre. Et c'est là que le cœur du film de Gosling se révèle, dans les émotions qu'il procure. Si on ne comprend pas toujours les tableaux symbolistes mis en place par le réalisateur, peu importe tant le film nous fait naviguer sur une rivière d'émotions : l'angoisse, l'incompréhension, l'émerveillement, la compassion ou l'euphorie. Dans un film où chaque plan semble être un tableau, il s'agit de construire une galerie cohérente de ces tableaux et Ryan Gosling y parvient avec une maîtrise impressionnante pour une première réalisation. Dès la sortie de la salle, et même des jours après, des images/tableaux du film hantent la mémoire comme celle de la porte du cabaret où se rend Billy et son intérieur, comme un bébé jouant dans le sang, une femme se découpant le visage, une maison brûler. Tout cela pour dire quoi ? Que l'espoir est permis mais qu'il passe par le rêve, par l'imagination, par la beauté, par les merveilles, par la création, par l’écriture et pour Ryan Gosling, par le cinéma.