Lost River
Ses petites villes à moitié en ruine ou la nature de nouveau sauvage reprend sa place, longues étendues d’herbes hautes, d’arbustes feuillus, et de bâtiments éventrés recouverts de mousse. Et au milieu de ces friches verdoyantes, des maisons en bois bringuebalantes, aux peintures multicolores lézardées, abandonnées une à une par des habitants abandonnant ces lieux maudits.
Dans ce coin pommé des Etats-Unis, dévasté par la crise comme une ville côtière par un raz de marais, les gens fuient. Ou survirent. Comme ils peuvent. Billy, mère au foyer, cheveux roux incandescent et regard bleu comme un ciel de grandes vacances, s’occupe de ses deux fils et cherche désespérément de l’argent pour rembourser la banque et son nouveau directeur, Dave. Bones, son fils adolescent, timide, cheveux courts et regard perçant, dépouillent tous ces bâtiments abandonnés, fantômes d’un passé pas si lointain, de leurs entrailles cuivrés. Il doit faire face au cruel Bully, visage squelettique et crieur invétéré, toujours accompagné de Face, son bras droit et homme à tout faire, qu’il dirige comme un chef militaire.
Pour son premier film, Gosling plonge l’Amérique profonde dans une ambiance lourde et poisseuse, pastel et fluo, macabre et malsaine. Le générique Jarmushien donne le ton, succession de plans fixes de veilles bâtisses en lambeaux, aux peintures vives écaillées, accompagnés d’une mélodie aiguë et enfantine tout droit sortie d’une boite à musique des années 50. Le Ryan semble surtout marqué par son passage sous les ordres de Refn. On retrouve de nombreuses caractéristiques visuelles propres au cinéma du réalisateur danois, surtout de son dernier film, Only God Forgive. Rythme lent, et contemplatif, BO ultra présente composée d’airs éléctros pesants, de claviers répétitifs et de musiques lyriques lancinantes, pour des scènes qui émergent de lumières fluos électrisantes, rouges notamment. Il a même reprit les scènes chorégraphiés de danse et de chant, seulement ici pas de Karaoké, on est dans la campagne étasunienne, pas à Bangkok.
Mystic River
Dans ce coin pommé des Etats-Unis, oublié du reste du pays comme un vieux cousin ayant mal tourné, les Hommes cherchent des explications fantastiques à des situations rationnelles et laissent leurs instincts sauvages reprendre le dessus. Les légendes naissent et les lieux de dépravations fleurissent. Une veille rivière reposant sur de vieux villages ensevelis suite à la construction d’un barrage devient la cause d’une puissante malédiction. Un vieux bâtiment à l’entrée travaillée, bouche béante d’un monstre prêt à vous avaler, devient le théâtre d’un cabaret macabre où se masse les gens de bonne société pour se rincer l’œil dans le sang. On retrouve presque du Jodorowsky dans ce cabaret de l’étrange, dans ce cirque de l’obscène à la troupe badigeonnée de maquillage. Un petit air de Santa Sangre. S’il vous plait.
Le développement de ces deux univers contradictoires, le féerique et le macabre, se fait d’abord de manière autonome. Chaque genre de son côté, avec son propre déroulement, ses propres protagonistes, ses propres histoires, et ses propres intérêts. Puis les deux mondes se choquent, se croisent, se mêlent, et s’entremêlent pour ne faire plus qu’un, suite à cette scène croisée magistrale, sur terre, sur l'eau, sous terre, sous l’eau, lancée par quelques pas de danse, accompagnée des néons violets d'une salle souterraine, de l’abîme statique des profondeurs de la rivière, et des couleurs virevoltantes des flammes. Le féerique devient macabre, le macabre féerique.
Une première réussie, marquée par une ambiance unique, quasi mystique, presque grandiose, entachée de quelques longueurs et par un côté larmoyant parfois gênant. On n’oublie pas 15 ans parsemés de comédies romantiques en tout genre aussi facilement.