Après avoir vu le pathétique Plan 9 de Wood, me voilà dans un autre registre: l'auto-portrait via un docufiction un peu barré.
Même si le dit Plan 9 n'est pas le plus mauvais film de l'Histoire du cinéma (il y a déjà assez de films pourris pour mériter ce titre, y compris certains très récents...), il fait pourtant (très) pâle figure face à ce Glen Or Glenda (damn, cette manie de franciser les titres, à l'époque !!! On se croirait au Québec...).
Rappelons tout d'abord que le double sujet de ce film (le travestissement et le transgenre) était on ne peut plus tabou et nouveau (dans l'ordre) en 1953...et l'est toujours un peu de nos jours, ne nous voilons pas la face.
Ensuite, Ed Wood raconte Ed Wood et ça, il faut quand même une certaine dose de courage pour s'exposer ainsi. Travesti fou des pulls angora, Wood met à jour son petit secret (ce qui fera pourtant décamper sa Dorothy Fuller de petite-amie en l'apprenant sur le tournage), bien qu'à la base, le concept du film devait s'intéresser surtout au transgenre.
En effet, le projet était destiné à raconter la vie de la première personne transgenre aux USA, Christine Jorgensen. La production lui demanda même d'apparaitre dans le film mais celle-ci refusa net.
Quant à Wood, il devint le réalisateur car il réussit à convaincre George Weiss (le producteur) que personne d'autre que lui ne pouvait mener à bien ce projet, puisque étant travesti lui-même (bien que je ne voie pas de lien entre transgenre et travestisme, mais ainsi dirent les Ecritures, donc...).
Weiss accepta et Wood en profita pour refaire une nouvelle répartition travestisme/transgenre 70% / 30%.
Et ça donne quoi, donc ?
Well...C 'est un peu brouillon (Woodien, donc), pas très bien joué, pas toujours très cohérent mais cependant, ce côté docufiction montre le réal plus à l'aise que dans la fiction pure. Wood lui-même est un bien piètre acteur sans charisme et ses scènes ne passent que par son dévouement à son sujet.
Et notre Bela Lugosi, à quoi sert-il cette fois-ci ?
Mmm...Littéralement, à pas grand chose, puisque ses interventions semblent quelque peu aléatoires et sans réels fondements. Cela dit, je n'arrêtais pas de penser au Man From the Other Place de Twin Peaks (Michael J. Anderson) de par ses apparitions toujours filmées de manière étrange et illustrées par une musique toute aussi décalée.
D'ailleurs, Glen or Glenda a une certaine aura Lynchienne (ou plus exactement, David Lynch a quelques éclats Glen or Glendanesque) et ça, ça ajoute un intérêt certain à la chose (le fameux vent hurlant à la 36ème minute, tandis que Lugosi nous lance un avertissement "Bevare, bevare...", la voix nasillarde un peu plus tôt...).
Après, il y a deux grosses scories (en plus des imperfections déjà citées en entame) imputables au producteur George Weiss, inquiet de la courte durée du travail de Wood:
- les saynettes erotico-BDSM apparaissant soudainement et sortant immédiatement quiconque du film (car n'ayant strictement aucun lien avec le reste),
- les stocks-shots de la WWII bien trop long (du remplissage manifeste...)
Le meilleur du film reste donc la partie consacrée à Glen/Glenda (ça tombe bien, c'est le titre du film) et le reste n'est que:
1 .inutile (les vignettes érotiques),
2 .honteusement survolé (la transformation Alan/Ann), donc inutile aussi, du coup.
Malgré l'évident bric-à-brac Woodien, Glen or Glenda a déjà le mérite de faire bouger les consciences à une époque où on traque les Communistes comme des chiens, où la femme n'est qu'un objet ménager de plaisir et où la bombe atomique continue à joyeusement être testée un peu partout aux USA (au hasard, à 105 km au nord-ouest de la toute nouvelle Las Vegas)...
Peut-être l'œuvre la plus utile et intimiste du Sieur Edward Wood Jr, qu'on se le dise !
PS: A savoir qu'il n'existe pas moins de 4 montages différents de ce film, la plus complète durant 71 minutes.Et c'est donc celle-ci que j'ai vu, heureux homme que je suis !