Pour qui connait Pialat, ce film a tout de retrouvailles immaculées. Bienvenue dans la vie.
Rires et gifles, bouffe et hurlements, baise et pleurs. La caméra saisit l’authenticité des individus, perclus de contradictions et en quête d’un idéal qui se dérobe parce qu’ils ont la lucidité d’accepter ne pas le connaitre. Loulou en tête, instable et épicurien, vit au jour le jour, prend des coups de couteau, embrasse ses ex en pleine rue, et pose sur le monde un sourire enfantin dont seul Depardieu a le secret. Huppert, juvénile, la voix un peu trainante, éponge à émotion, suit, s’installe, résiste au mari qu’elle quitte (Marchand, d’une grande justesse, tout simplement parce qu’il tourne sous la direction de Pialat, le grand accoucheur des comédiens) et se convertit à cette philosophie de l’instant. On a rarement vu de telles scènes de sexe, joyeuse mêlée enfantine et complice.
Difficile de ne pas reconnaitre certaines scènes d’improvisation : certains éclats de rire, notamment, entre Depardieu et Huppert, (on sait que la scène où le lit se casse n’était pas écrite), ont tout du spontané. Mais, à la différence de bien des films voulant jouer cette carte, difficile aussi de ne pas voir la maitrise qui les dirige, le cadre, le découpage, le rythme.
Comme souvent, quelques morceaux de bravoure jalonnent le film, travail sur la durée : la séquence de la boite de nuit, puis celle du repas en banlieue. Avec un art unique de l’intégration du spectateur au réel le plus spontané, Pialat le laisse s’inviter à l’ambiance festive qui, une fois le charme opéré, va pouvoir distiller son véritable propos, à savoir l’absence de maitrise du cours des événements face aux individus. Les bras sont saisis, les gifles fusent, les fusils sortent. Et là, une fois encore, Pialat a gagné : sur ses comédiens, sur son spectateur, pour un film comme seul lui sait les faire.
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