La Fille du fermier !

Bon alors que raconte concrètement ce film ? On est à la fin des années 1980. Les parents de Louloute (cette dernière ayant en outre un grand frère et une petite sœur !) vivent dans une ferme. Papa gère cette dernière du mieux qu'il le peut, mais les bienfaits de la mondialisation et la cupidité extrême de ceux qui en tirent les ficelles n'épargnant personne, surtout pas les agriculteurs, il est endetté jusqu'au cou et tente de maintenir, comme il le peut, la tête hors de l'eau...

La gamine qui joue le rôle principal est excellente. Les autres acteurs le sont tout autant. Connaissant un peu, par le biais de relations personnelles, ce milieu, je pense pouvoir dire que le quotidien d'un agriculteur et de sa famille est présenté avec justesse, aussi bien en ce qui concerne la description psychologique et comportementale que la mise en scène. La fin des années 1980 est bien reconstituée (sauf que le verre Nutella Boule et Bill n'est apparu que lors de la décennie suivante ; je m'en souviens très bien ; comment ça, je pinaille ? ; comment ça, vous vous en foutez ?).

Alors pourquoi globalement, avec toutes ces qualités, le film n'est pas réussi ? C'est la vie d'une famille dans une ferme à la fin des années 1980 + le regard critique des effets délétères de la mondialisation sur les agriculteurs à travers le point de vue de la fille cadette ; on est d'accord. Mais quel est le but de tout cela ? Peut-être voir les traumatismes d'enfance qui sont restés chez l'adulte du fait de la situation dans laquelle était son père ?

Pour cela, il faudrait peut-être des scènes dans le présent montrant ces effets négatifs. Ah, il y en a. Ah oui, c'est vrai qu'il y en a, mais d'une manière beaucoup trop rare, beaucoup trop sporadique pour avoir la moindre profondeur.

Et même dans ce trop peu qu'est-ce qu'on apprend ? Ben que Louloute est devenue prof d'histoire dans un collège, qu'elle est souvent en retard à ses cours parce qu'elle s'endort dans les parcs, qu'un de ses collègues est un ancien crush lorsqu'ils étaient camarades d'école, qu'elles emmerdent ses proches avec des crises et qu'elle ne veut pas retourner à la ferme. D'abord, le collègue ancien crush ne sert à rien. Il n'aurait pas été là, ça aurait été la même chose. Et les crises ainsi que le fait qu'elle ne veut pas retourner dans les lieux de son enfance ? Ben, c'est sur ça qu'il fallait insister, s'étendre beaucoup beaucoup plus sur comment ça interfère sur sa vie personnelle et professionnelle. Là, il doit y avoir deux-trois scènes très courtes (par rapport à la globalité de l'ensemble !) ne donnant rien, n'ayant aucune consistance. Et il aurait fallu aussi beaucoup plus lier tout ceci au fait qu'elle a peut-être des problèmes de sommeil qui pourraient expliquer ses siestes non désirées dans les parcs et, en conséquence, ses retards.

Bref, ce qu'il aurait fallu faire, c'est mettre autant de séquences dans le présent que dans le passé pour bien creuser le poids des souvenirs sur le personnage, de comment elle le supporte ou plutôt ne le supporte pas, de comment elle va arriver ou non à le surmonter, de comment la vente de la ferme et le fait qu'elle doive y retourner l'oppresse au fur et à mesure que la date fatidique approche.

Sûrement que dans ce cas, le film aurait fait deux heures un quart-deux heures et demie au lieu de sa pauvre heure et demie, mais au moins, il y aurait une possibilité de réussite.