Oh miracle ! Lourdes n'est pas lourd sur la religion (contrairement à ce début de critique). Nous voilà débarrassé d'une crainte.
J'avais entendu beaucoup de chose après Venise 2009 (il en aura mis du temps à sortir), que c'était un film agnostique, un film respectueux de la religion et du lieux aussi. Le film n'est en effet pas une réflexion sur la foi et la critique de Lourdes en tant que machine à vendre du miracle n'est pas non plus l'objet central du film. Mais la pure phénoménologie sociale qu'adopte le film est, je trouve, impitoyable avec l'un et l'autre.
Le formalisme est troublant. Très dépouillé, long plan fixes, peu de musique, lignes symétriques, cadres rigoureux. On pouvait s'y attendre (c'est pas que des déconneurs les autrichiens), ça sentait même le film à récompenses un peu chiant. Mais à cela vient se superposer des personnages aussi plats que possible, à la psychologie caricatural, mal doublés (la langue originale du film est bien le français), on commence à douter. L'ordre de Malte est bon à pousser les fauteuils et à faire la circulation, mais à peine de capable de prononcer un "tout va bien ?" face à une collègue en phase terminal d'un cancer (je crois) qui fait un malaise. Le cautionnement des miracle est administratif, on les diminue, on les refuse par principe presque. Le malaise grandit, les signes sont forcés, tout sonne faux.
Tout sauf Sylvie Testud, excellente dans son rôle, dont le personnage est là pour voir du pays, vivre un peu. C'est elle qui est agnostique, plus que le film, elle préfère Rome, c'est plus culturel, mais bon, Lourdes ça la fait sortir de chez elles quand même. Elle n'est pas à sa place, d'ailleurs le cadre l'oublie souvent, on la perd des yeux parfois, un peu comme dans ces fresques catholiques où l'on perd le sujet, le regard est toujours attiré ailleurs. Ce n'est pas le seul élément qu'Hausner emprunte au formalisme catholique, il y a le vœu de pauvreté, la pudeur aussi, le film aborde la question de l'aide aux handicapés, notamment dans les moments intimes, mais pas un bout de peau, un peu de bave mais rien de plus, une infirmière de l'ordre ça prie les mains jointes, ça ne torche pas les vieux. J'ai eu l'impression (une piste parmi d'autres) qu'Hausner retournait un peu le paradigme, emprunter des éléments du formalisme catholique pour filmer objet scientifique (l'espace social de Lourdes), plutôt que de filmer le catholicisme avec science. (Il y a un badge "phrase prétentieuse" ?)
Le résultat c'est une séance étrange. D'abord je n'étais pas très pris, je refusait l'apparente position de la réalisatrice autrichienne. Et puis les traits d'esprit se multiplient, le film se fait de plus en plus impitoyable tout en restant scotché à ses personnage, à sa sociologie. La scène de fin est terrible, violente, pour l'héroïne, pour les pratiquants, pour Lourdes, pour la religion, j'ai eu l'impression que tout le monde en prenait pour son grade. Le malaise est terrible pour nous autres spectateurs. Je ne savais pas trop quoi penser à ce moment là, mais tout ça ne m'avait pas laissé indifférent, tout comme une partie de la salle j'ai mis un moment à décoller de mon siège. (Alors que le nom des maquilleuses ne m'intéresse en général pas beaucoup).
Un peu de marche entre le ciné et chez moi, tout ça se décante vaguement. Le film touche à beaucoup de chose, le handicap, le rituel, le représentation du miraculeux, les signes aussi, la routine. Mais il me semble quand même avoir une thèse irréligieuse au possible : croire aux miracles c'est accepter leur injustice, les refuser c'est accepter le vide. (Mais il faut je réfléchisse plus à tout ça ... )