Il aurait été digne d’intérêt que la romance, fil conducteur de tout le récit en ce qu’elle met en marche le héros, se délite pour de bon et laisse ce dernier bredouille, bien plus que ce retournement de situation ultime qui évacue la surprise et la fraîcheur d’une histoire guère originale. Car l’errance extérieure de Joel, si elle lui permet de quitter sa passivité pour l’initier à la survie en milieu hostile et affronter une existence sur laquelle il ne faisait que glisser, n’est pas sans rappeler la fuite du harem dans le désert de Mad Max : Fury Road (2015), jusqu’à se heurter au mur qui conduit les personnages à rebrousser chemin. Il s’agit dans les deux cas de profiter d’une brèche pour s’enfuir droit devant – ni à gauche ni à droite –, de foncer dans le tas en s’accrochant à un idéal, une terre promise, un amour promis.
Love and Monsters n’a pas ce culot et paraît obsédé par le récit d’apprentissage qu’il installe, conventionnel et ampoulé, qui voit à terme renaître le grand adolescent en adulte responsable et fort. La question de la virilité occupe ici une place de choix, puisque Joel n’a de cesse d’être critiqué pour sa peur, ses cris « de fille » et son émotivité, il n’a pas de muscles, même s’il prétend le contraire à son amoureuse pour plaisanter. Caractéristiques aussitôt exposées aussitôt dévalorisées, quoique la communication avec un crabe géant rétablisse enfin une once d’humanité et de sensibilité dans un corps lancé dans un entraînement de type militaire à la Rambo.
Le long métrage de Michael Matthews se dérobe ainsi trop facilement devant l’idéologie qu’il défend : il enrobe sa leçon de survie d’un sucre teen movie malvenu avec moult chansons vintage et un second degré permanent, à vrai dire horripilant, alors que ladite leçon respecte en tout point le bornage d’un film d’action lambda, rejouant même le ravissement de la femme aimée qui, d’une motivation idéale et abstraite, mute en trophée dont on se pare. Toute la profondeur d’Aimee, tout son tourment, toute sa douleur s’effacent quand elle contemple la puissance de Joel, selon d’idée qu’une femme ne peut aimer un homme que s’il la sauve d’un grand danger.
Pourtant, si la quête ne surprend pas et se montre quelque peu problématique, le bestiaire proposé par Love and Monsters mérite le coup d’œil : les créatures, à mi-chemin entre l’animal et le végétal, évoquent étrangement l’esthétique du peintre Giuseppe Arcimboldo ; leur animation s’avère fort convaincante et donne lieu à des séquences d’action réussies. De quoi justifier le visionnage de ce petit film divertissant.