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Il est difficile de passer outre le certain conformisme qui se dégage des productions actuelles. Une telle aura délétère de formatage asphyxie forcément la créativité des réalisateurs, confrontés au mur inébranlable que sont les maisons de productions. Mais que se passe-t-il lorsqu’un réalisateur fougueux ose s’en affranchir, tente de mettre en place un mastodonte de 4 heures aux idées fourmillantes, plus improbables les unes que les autres ? Evidemment, le tournage, véritable marathon d’un mois tentant de transposer un scénario de plus de 300 pages, a semble-t-il été chaotique, plongeant le réalisateur, Sono Sion, dans le doute.

Pourtant, ce qui transparaît le plus du film de prime abord, c’est un dynamisme incroyable, une fougue juvénile rarement transposée avec autant d’honnêteté à l’écran. Sono Sion réussi l’incroyable pari de na pas nous lasser 4 heures durant, de nous laisser perpétuellement les yeux écarquillés devant le flot d’improbabilités scénaristiques qui défilent à vitesse grand V. Le maître mot de Love Exposure est la surprise : chaque scène est l’occasion de découvrir une nouvelle fantaisie du réalisateur. La surprise se manifeste aussi sur le déroulement narratif de l’œuvre, et de sa façon inédite de mêler différents genres, parfois antinomique. Le film débute sur un drame familiale, avec un père prêtre par la force des choses qui failli à l’éducation de son fils, passe également par la case comique avec la rencontre des yankees qui deviendront ses amis et le délire pervers, introspectif lors de la révélation du passé des principaux protagonistes, pour finir de manière complètement psychédélique, avec lot d’action et d’hémoglobine à la clé. Les transitions entre les genres se font de manière naturelle, et on s’étonne à passer du rire aux larmes sans même s’en rendre compte. La progression du film peut sembler chaotique pour certain qui iront crier au n’importe quoi, mais une cohérence globale se dégage de l’œuvre, et forme finalement un tout homogène. Voilà où se place la magie de l’œuvre : dans une symbiose organique fondé sur une apparente disparité. Quel plaisir de ne plus avoir à faire avec le perpétuel schéma narratif imposé, quel plaisir d’être confronté à une œuvre naïve dans son but mais maîtrisée dans sa construction, quel plaisir de redécouvrir le cinéma.

Si un tel exploit est déjà remarquable, la dimension dramatique du film permet de brasser des sujets épineux comme le rapport à la religion, ou la perte de repère, notamment familiaux. Ici, le constat est sévère pour toutes les formes d’autorités côtoyées par nos protagonistes, et elles sont souvent tournées en dérision. La famille n’est source que de souffrance et d’insanité, point d’orgue de l’instabilité des jeunes héros. Ils devront trouver leurs réponses par leur propre moyen, toujours en s’émancipant de cette autorité malsaine, cette fougue juvénile étant un élément fondamental de l’œuvre. De l’autre côté, la religion, élément omniprésent, pousse paradoxalement Yu au pêché et détruit son innocence. De même, les personnages ne se retrouvent plus dans le christianisme et seront happés par les dérives sectaires. Le tableau peut paraître noir en premier lieu, comme un pamphlet contre la religion, mais il n’en est rien. La preuve en est l’époustouflante, que dis-je, transcendante scène du récit du corinthien 13 de Saint Paul par Yoko, sur un fond de 7ème symphonie de Beethoven, véritable ode à la beauté biblique.

D’ailleurs, la bande son, parlons-en. Sono Sion s’amuse à utiliser habilement et de façon atypique de grands compositeurs classique, à tel point que l’on en vient à les redécouvrir, à en avoir une perception toute nouvelle. Ce procédé n’est pas forcément rare, surtout dans la culture nippone, mais c’est ici exécuté avec un brio hors-norme. Les compositions spécialement créée pour le film par le groupe Japonais Yura Yura Teikoku ne sont pas en reste et nous offre des airs tantôt entraînant, tantôt mélancolique, faisant parfaitement écho à ce qui se passe à l’écran. Voici une bande-son maîtrisée de bout en bout, et même si certains morceaux se répètent, ils ne deviennent à aucun moment redondant, tant leur mise en œuvre s’avère intéressante. Allié au montage dynamique et diablement entraînant de Sion, suivre les pérégrinations des protagonistes devient un plaisir total.

Si Love Exposure se devait d’être résumé par un simple mot, « pari » est celui qui lui siérait de façon parfaite. Un pari constant, que ce soit sur la durée de l’œuvre qui en rebutera plus d’un, sur le mélange des genres de façon complétement improbable, sur la narration atypique le faisant sortir de toute espèce de carcan préétabli. Toutes ses composantes sont hors-norme, pleine d’audace, et le pire dans tout cela, c’est que le pari est complètement réussi.
Mecklinger
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le 22 mai 2014

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