Vendu comme le nouveau Prisoners, Love Hunters est un thriller horrifique qui nous vient tout droit d’Australie et réalisé jeune cinéaste Ben Young, qui signe ici un premier film crépusculaire et poisseux. Préparez vous à plonger au plus profond de l’âme torturée de l’être humain.
L’horreur est humaine
À y regarder de plus près, l’approche est finalement très différente du (très bon) thriller de Denis Villeneuve. Plus intime et claustrophobe que Prisoners, Love Hunters nous raconte l’histoire de Vicki, une adolescente en rogne contre sa mère depuis que celle-ci a décidé de quitter le foyer familial pour de fuir un mari égoïste. Un soir, la jeune fille décide de faire le mur afin de rejoindre une soirée à laquelle sa mère lui a pourtant interdit de se rendre. Choix qu’elle regrettera très vite, puisqu’elle se retrouvera kidnappée par un couple de psychopathes. Love Hunters s’ouvre sur un long travelling au ralenti. L’angle choisi par le réalisateur nous évoque un point de vue de fenêtre de voiture et l’accent mis sur les formes transpirantes et fragiles d’adolescentes en plein cour de sport nous met immédiatement dans la peau d’un prédateur sexuel. L’excellent remake de Maniac de Frank Kahlfoun n’est pas loin. Ces long plans au ralentis reviendront plus tard pour nous montrer la vie banale et aseptisée des familles de ces banlieues australiennes. Une vie qui se déroule en mode « automatique » alors que l’enfer se cache bel et bien derrière l’une des portes de ses nombreuses maison, toutes identiques.
Comme l’ont fait Lynch (le film évoque à plus d’un titre Blue Velvet) ou Tim Burton avant lui, Ben Young effrite petit à petit le vernis de ces pavillons afin de révéler l’horreur cachée derrière la banalité de cette vie de classe moyenne, bien rangée et sans saveur. Et le jeune cinéaste australien applique diaboliquement ce concept à sa mise en scène, très appliquée et communicative. Ainsi, l’horreur n’est jamais vraiment montrée et, si le film est assez insoutenable par moment, ce n’est qu’à travers ce qu’il suggère : des cris étouffés derrière une porte close, des objets de torture qui traînent sur le sol… Ben Young, très malin, dilate l’horreur et laisse l’imagination du public faire le travail. Ce qui effraie donc, plus que les images en elles même, c’est ce qu’elles racontent : la jouissance d’un couple face à la détresse d’une jeune fille ou le plaisir malsain issue d’une prise de contrôle totale sur l’autre.
All Love is Lost
L’approche intelligente de Ben Young quant à son récit vient aussi du traitement des personnages, et notamment des bourreaux. Sans jamais justifier ni excuser leur monstruosité, il développe insidieusement la complexité psychologique de ce couple malade. Evelyn et John White, c’est donc un peu le diable qui se cache derrière monsieur et madame tout le monde. Ici, tout est question d’amour, ou plutôt, de manque d’amour. Ce besoin de faire souffrir, de soumettre l’autre et de se délecter de sa détresse, vient avant tout des frustrations sociales de chacun. John subit le joug de petites frappes locales qui lui réclament de l’argent et la torture, physique, qu’il inflige à Vicki et celle, psychologique, qu’il fait subir à sa femme, se posent indéniablement comme une réaction à cette humiliation, comme un déportement de ses propres peurs sur l’autre. Quand à Evelyn (superbe Emma Booth), de loin le personnage le plus intéressant du long métrage, elle lutte constamment contre la tristesse de ne plus pouvoir voir ses enfants et fait donc inconsciemment subir cela à une autre mère. Sorte de « desperate housewife » poussée à son paroxysme, elle compense son manque d’amour en le cherchant désespérément chez un mari violent et manipulateur tout en le reniant en torturant des adolescentes. Ces « monstres » sont donc humains avant tout, et cela les rend d’autant plus terrifiant.
Mais c’est au personnage de Vicki et à sa détresse que s’attache bien sûr notre empathie. À travers ses yeux, nous comprenons petit à petit la psychologie de ses ravisseurs et la volonté de la voir sortir vivante de ce cauchemar s’accroît de scène en scène. Celle-ci atteindra son paroxysme lors d’un final reposant sur une idée de mise en scène très simple mais terriblement efficace lorsque si bien utilisée. Tout du long, Ben Young joue sur la fragilité émotive et sur les traumatismes enfouis de ses personnages et colle à la peau de ces êtres et de leurs démons et nous enferme dans leur folie, fruit de problèmes existentiels dont nous avons tous fait l’expérience.
Love Hunters est une œuvre crépusculaire traversée de vagues de terreurs tétanisantes. La chaleur étouffante du soleil australien, alliée à la monstruosité bien humaine de ce couple middle-class font de ce film un spectacle sombre et désabusé qui nous montre les effets les plus cruels d’une société aseptisée et sans merci allié à un manque d’amour destructeur. Ces « chasseurs d’amour » forment donc un saisissant portrait d’une humanité dévorée par son propre système et à jamais prisonnière de ses frustrations.
critique originale : https://www.watchingthescream.com/en-mal-damour-critique-de-love-hunters/