Loving s'inscrit à contre-courant des films historiques ou des biopics traditionnels, qui constituent souvent de grandes fresques épiques aux accents (ou excès ?) légendaires. Nichols prend ici le parti d'adopter un point de vue à échelle humaine pour raconter cette histoire d'amour aux dimensions politiques évidentes.
Ce choix est reflété par l'usage de gros plans ou de plans reserrés ainsi qu'un jeu sur le flou et le defini, pour qu'on ne quitte pas les individus et qu'on se concentre uniquement sur leur personne plutôt que sur leurs actions. Celles-ci ne sont d'ailleurs aucunement le fait d'un engagement politique quelconque, mais bien le résultat d'un oppression raciale qui s'exerce au sein de l'intimité d'un couple somme toute lambda. La film possède l'élégance du quotidien. C'est donc avec intelligence et une infinie délicatesse que David Nichols part de l'individu et de l'expérience personnelle de ses personnages pour fonder un propos politique qui résonne dans une société américaine encore sujette aux relents ségrégationnistes.
Je ne serai jamais assez reconnaissante de l'usage d'une caméra en 35 mm, donnant au film ses tons rosés et ses images somptueuses, qui enveloppent totalement l'ensemble de la photographie d'une dimension douce et amoureuse. La métaphore de l'aube comme commencement d'une nouvelle ère (historique et politique), visible dans l'affiche promotionnelle du film, n'est pas à oblitérer. De plus, l'aspect totalement mécanique du processus utilisé, où l'image s'inscrit directement sur le film, où la lumière vient brûler la pellicule, apporte une touche concrète à ce qui est filmé et participe alors à rendre le propos d'autant plus réaliste.
La scène où le journaliste vient interviewer le couple Loving et partager un instant de leur vie témoigne du point de vue souhaité par Nichols en temps que réalisateur dans la mesure où il semble y avoir identification entre les deux.
Le refus catégorique du héros à être érigé en symbole ou martyr historique d'une lutte politique par les médias apporte une refléxion sur la façon dont raconter l'histoire pourrait en quelque sorte la travestir, allant alors dans le sens contraire à sa raison d'être. Sans constituer une critique formelle du genre historique au cinéma, Nichols nous invite peut-être aussi à prendre de la distance avec le cinéma dans ce qu'il proposerait de présenter comme une vérité absolue. La pudeur du film semble participer à cela également: il ne s'agit jamais pour le réalisateur de prétendre s'imiscer dans l'intimité du couple. D'ailleurs, il est intéressant de noter que la scène d'arrestation constitue la seule fois où nous les apercevons dans leur chambre à coucher, comme pour représenter le caractère intrusif des lois contre les mariages mixtes de l'époque: elles constituent de véritables violations du privé.
Du fait de ce parti pris narratologique, le film évite les écueils de grandes scènes de résistance entre les opprimés et les autorités publiques par exemple, ou encore tout vautrage dans un pathos forcé. D'un point de vue seulement politique, cette volonté d'asseoir les problématiques raciales à une échelle intime et proche de ses personnages permet une adhésion et une empathie beaucoup plus évidente car la projection du spectateur y est favorisé, ce qui facilite son efficacité.
A regarder 1000 fois.