Vraiment, qu'est-ce que j'aime le cinéma de Jeff Nichols !!! Il fait sa pâte délicate de chaque genre, chaque sujet, et même lorsqu'il écrit son scénario à partir de faits réels : l'arrêt constitutionnel Loving vs Virginia. Loving, c'est l'histoire de Richard et Mildred. Loving, c'est un amour et un mariage délictuels dans l'Amérique ségrégationniste de 58. Mais c'est aussi l'histoire simple et ordinaire d'une famille, c'est l'histoire effleurée de deux êtres mutiques, comme de photos volées à leur intimité discrète et rugueuse. C'est intense, sobre et essentiel, comme toujours chez Nichols. C'est le sentiment nu sans effets. Deux regards échangés suffisent. Et puis sous le cours ordinaire de la vie et le quotidien infime, on retrouve les petites obsessions du réalisateur, qui prennent forme ici sur fond d'Histoire en marche. Une tension latente et toute en maîtrise, qui parfois explose, comme une porte violemment enfoncée au milieu de la nuit ou une américaine qui roule à toute vitesse sur une route poussiéreuse de Virginie. Le classicisme de Nichols commence à faire sérieusement référence, en ellipses, en silences, en plans de pure évidence, loin des audiences reconstituées à la Cour Suprême qu'on pouvait imaginer ici, sinon craindre. Nichols laisse le sentiment aller sa voie. Joël Edgerton est fabuleux en taiseux aux yeux bleu tendre. Le moins singulier des films de Nichols, mais un très beau film. Avec aussi une lumineuse Ruth Negga.