Loving, dernier film en date de Jeff Nichols, est présenté lors de la soirée d'ouverture du Champs Elysées Film Festival, le festival du cinéma franco-américain. La cinquième édition se voit démarrer fort, avec un film nominé à Cannes, mais malheureusement pas primé, et qui trouvera sa voie dans les cinémas français en début d'année prochaine. Si les producteurs se montrent confiants au niveau des prix que le film est susceptible de gagner, c'est à un jury composé de talentueux artistes français, présidé par Nicole Garcia en personne, de voter pour le meilleur film présenté au festival.
Si l'idée derrière le film n'est pas nouvelle, traitant une fois de plus d'un thème très souvent exploité au cinéma, à savoir la ségrégation aux Etats Unis, et à leurs conséquences (ici, au niveau du mariage mixte), Jeff Nichols, réalisateur incontournable de ces dernières années, décrochant le titre de "futur Spielberg" et de "prodige", parvient tout de même à trouver une approche particulière avec Loving, nom évocateur de la relation entre les deux protagonistes mais étant par la même occasion leur nom de famille. Tiré de faits réels, le film retrace la lutte d'un couple interdit, d'une relation impossible entre un homme blanc et une femme noire de l'Etat de Virginie, mariés secrètement dans l'état de Washington. Les Loving vont suivre une route parsemée d'obstacles qui les ralentira, mais qui finira sur l'un des retournements de situation en faveur de la lutte contre la ségrégation. Le réalisateur de Mud ou Take Shelter, ainsi que le très récent Midnight Special, auquel il emprunte deux acteurs (le très aimé Michael Shannon et Joe Edgerton), prend plaisir à parcourir la vie de ces deux individus, délaissés pour recueillis tout en servant une cause plus grande que la leur. Nichols prend son temps avec les séquences, préférant des plans longs, posés, et immobiles, renforcés par le jeu de Joe Edgerton, personnage impassible au grand cœur, touchant dans sa relation avec Ruth Negga, à l'affiche de Warcraft. Cette dernière, pressentie pour gagner l'oscar de la meilleure actrice, retranscrit ses émotions dans un subtil jeu d'actrice.
Perdant un peu son spectateur au début du film, qui se pose des questions suite à l'arrestation des deux époux, le film suit une linéarité permanente dans un cadre spatio-temporel établi et respecté au travers des habitations, des coutumes de vie et des décors. La vie érémitique des deux époux, parias de la société, se voit chambouler par un procès dont le verdict est d'ores et déjà connu de tous. Malgré tout, Nichols tient en haleine le spectateur par un film captivant, malgré la redite du sujet qui peut lasser certains, ce qui est compréhensible. Au travers de cette famille, la question de la justice se voit remettre en question, à la fois injuste en Virginie et de propagande chez l'Union Américaine pour les Libertés Civiles, par le portrait de deux hommes de droit, quoique bien intentionnés, mais qui se servent de cette affaire afin de la médiatiser et d'arriver à leurs fins, dont un changement dans la constitution vis-à-vis de la ségrégation. Loin de mener une vie quiète, les Loving représentent un combat aporétique contre le racisme. Entouré de prestigieux acteurs, dont Ruth Negga, splendide dans son rôle, ainsi que d'une prodigieuse bande originale, plus faible que celle de Midnight Special, mais qui propose des mélodies très sympathiques, le film possède un rythme cadencé.
Cette soirée d'ouverture du Champs Elysées Film Festival commence très bien. Débuté par un discours et suivi d'une projection revenant sur ces cinq années de festival, qui ont vu défiler bien des têtes connues sur le tapis rouge, dont un Michael Madsen débordant de charisme, ainsi que d'un court spectacle de mimes par une troupe talentueuse, la soirée a retrouvé un second souffle dans la projection de ce long métrage indépendant américain, sérieux candidat à d'éventuels prix. Reste à savoir si le jury, dont la resplendissante Déborah François, a été conquis.