Bah merde, un jour Lucky est tombé sur le cul sans même trop savoir pourquoi. Une simple perte de connaissance comme un bug soudain dans une routine google home. Tout était pourtant bien calé pour ce brave Lucky, la toilette du matin, quelques mouvements de gym pour faire craquer ses vieilles articulations , un petit tour en ville dans un immuable circuit, une grille de mots croisés, quelques amis pour discuter, l'achat d'un bidon de lait, un programme de jeu télévisé pour tuer le temps, encore et encore... Alors Lucky va partir voir son toubib qui va lui livrer le plus terrible des diagnostics, il est en pleine forme mais il est simplement vieux. Peut être même que Lucky aurait préféré qu'on lui annonce un cancer du poumon à cause des clopes qu'il continue d'enquiller machinalement, un truc qui donne l'illusion de pouvoir être soigné, mais non Lucky est simplement vieux et il n'existe aucun remède pour cette merde car même en pleine santé tout finit par se flétrir et disparaître. Étrange prise de conscience de la définition du réalisme qui te pousse à regarder la vérité en face en te laissant un poil désemparé pour l'affronter. Alors Lucky tente de repartir sur les bases de cette éternelle routine mais plus rien n'est tout à fait comme avant. Le regard des autres change, les habitudes prennent un sentiment de futilités et la résignation devient une forme de colère, presque de rébellion face à l'absurdité soudaine de tout ce qui nous entoure. Lucky voit des portes de sorties surgir du néant et des tortues centenaire se faire la malle pour échapper à la monotonie routinière du monde. Cow-boy fragile droit dans ses bottes y compris en slibard et maillot de corps Lucky se doit alors de faire la plus bouleversante des confessions, il a peur. Cette foutue peur face à la vieillesse et la mort, face à la futilité de toutes choses, c'est bien ça qui est tombé sur Lucky quand il est tombé sur le cul. Et puisque tout finira par disparaître dans l'immensité d'une obscurité terrifiante, que même les desperados au sourire fragile d'humanité profonde comme Harry Dean Stanton doivent mourir, alors remercions le cinéma et John Caroll Lynch de nous offrir l'éternité pour que l'on puisse continuer de le voir si touchant et émouvant sur un écran. Comme les enfants qui sourient au milieu des charniers en attendant la mort, comme ce vieux cow-boy qui va attendre paisiblement son dernier souffle et comme nous spectateurs soudain triste de le voir le quitter la scène; sourions et profitons de tout ce que la vie peut encore nous offrir de magnifique, comme Harry Dean Stanton dans Lucky.
(Même si je suis moins enthousiaste qu'eux, merci à Candygirl_ et par extension à Torrente pour la découverte)