Parce qu’il se plaît à confondre les époques et leurs modes, à transformer l’abstraction contemporaine en réservoir sanglant d’un pop art jouissif, Lucky Day réussit à imposer un univers à la fois curieusement balisé et farouchement personnel, fruit d’une maîtrise de la mise en scène et surtout d’une gestion du temps qui confère à chaque séquence sa durée appropriée, son microclimat à elle. C’est une œuvre emprunte de folie douce, de cette folie qui menace à tout moment d’exploser et dont la rétention – chose surprenante dans un cinéma de genre habitué aux effusions à gogo – provoque un suspens plutôt efficace. Elle peut compter sur des personnages que Roger Avary brosse non sans une certaine profondeur, du moins avec ce qu’il faut de personnalité pour les rendre aussitôt attachants ; même ce tueur fou accro aux voitures vintage parvient à échapper à la caricature alors qu’il s’agit, comme l’ensemble du personnel dramatique ici, d’une caricature à proprement parler.


En jouant avec les codes du film noir décomplexé, le réalisateur finit par s’affranchir de sa démarche première pour atteindre un je-ne-sais-quoi de virtuose, oui de virtuose. Alors c’est peut-être pas grand-chose. Mais assister à une proposition de cinéma bis qui, sous couvert de parodier un genre, le redynamise (et qui le fait avec la french touch, s’il vous plaît), s’avère suffisamment audacieux et intrigant pour nous inviter à (re)découvrir ce Lucky Day injustement sous-estimé.

Créée

le 10 déc. 2019

Critique lue 163 fois

1 j'aime

Critique lue 163 fois

1

D'autres avis sur Lucky Day

Lucky Day
micktaylor78
6

Welcome back, Mr Avary !

Cela semblera peut-être bateau comme entame, mais il semble difficile d’aborder ce nouveau long-métrage de Roger Avary, 17 ans après son mémorable « Les lois de l’attraction », sans évoquer ce qui a...

le 19 sept. 2019

6 j'aime

3

Lucky Day
TanguyRenault
2

L'art de l'échec

Vraie-fausse suite au plaisant mais inégal Killing Zoe, sorti en 1994 et point de départ de sa carrière de metteur en scène, Lucky Day marque surtout le retour derrière la caméra de Roger Avary près...

le 10 oct. 2019

5 j'aime

Lucky Day
RAF43
7

"Killing Red !"

L’inquiétant Crispin Glover (“Retour vers le futur”, “Willard” 2003) est un impitoyable tueur à gages français au doux prénom de Luc. Celui-ci débarque aux Etats-Unis - en Californie - avec dans ses...

le 13 nov. 2020

2 j'aime

Du même critique

Sex Education
Fêtons_le_cinéma
3

L'Ecole Netflix

Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...

le 19 janv. 2019

89 j'aime

17

Ça - Chapitre 2
Fêtons_le_cinéma
5

Résoudre la peur (ô malheur !)

Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...

le 11 sept. 2019

78 j'aime

14