Le masqué, devant Lucky Strike, s'est soudain souvenu que, contrairement à ses contemporains qui ont bon goût, n'a pas des masses accroché à Fargo, tandis qu'il a dû s'y reprendre à trois fois avant d'aller au bout de Pulp Fiction.
Sauf que Behind, devant Lucky Strike, n'a souffert d'aucun des mêmes symptômes ce soir.
Il jurerait même, à certains instants, qu'un Tarantino bridé était à l'oeuvre derrière la caméra.
Et si à la lecture de certains avis éclairés, des collègues sens critiqueurs se sont emmerdé comme des rats morts ou sont restés froids, Behind_the_Mask, lui, a bien jubilé.
Car il a retrouvé le charme des (pseudo) polars coréens qui ne cesse de balancer, en un mouvement de caméra, entre le burlesque, la violence, le cynisme et la tension. Car alerte, sans temps mort, d'une précision diabolique, le film a réussi, quasi instantanément, à m'entraîner dans son univers.
Et puis, la chorale est parfaitement exploitée, vu que Kim Yong-hoon la travaille dans un souci constant de clarté, écartant immédiatement le risque de perdre son spectateur, surtout s'il n'est pas familier aux visages des acteurs locaux.
L'exploit est d'autant plus à signaler qu'il s'agit, de manière surprenante, d'un premier film, terreau classique de toutes les maladresses, les confusions et les emportements.
Se demander dans la séquence inaugurale si un reportage passant à la télévision à quelque chose à voir avec ce qui est projeté, suivre ce sac Louis Vuitton et le voir passer de main en main se présente donc comme un plaisir renouvelé. Et d'autant plus que la galerie de portraits présentée est assez somptueuse et parfois, bien azimutée. Ainsi, les personnages sont presque tous pris à la gorge et tentent d'échapper à leur misérable conditions. Tous compagnons inconscients de la même galère. Tous prêts aux mêmes coups bas. Tous englués dans leur quotidien. Figures classiques de victimes de l'individualisme et du capitalisme à la sauce extrême orientale.
Et c'est du mélange des saveurs, des gueules, de la ligne du temps et des ambiances furieusement secouées que surgit tout le prix et toute la valeur de Lucky Strike, qui se savoure comme une malicieuse fable acide enchaînant les chausse-trappes et les péripéties avec une gourmandise et une frénésie communicative.
Le jeu de massacre est délicieux, emportant son scénario jamais là où on l'attend. Le divertissement, lui, est total. Il y a donc finalement du très bon à se mettre sous la dent dans une salle de cinéma post-confinement, tout comme il y a de quoi attendre le prochain effort de Kim Yong-hoon avec impatience.
Behind_the_Mask, prends l'oseille et tire-toi.