"Et pLUCY affinités" ou "Lucy in the sky with Besson" ou "Lucy-magrés (de canard)"

Non Lucy n'est pas un mauvais film, un navet, ou même un film médiocre. Oui son point de départ est bancal (on utilise tout notre cerveau, mais jamais tout en même temps, et les mesures de cette activité diffèrent selon les points de vue, allant de 10 à 30% de zones actives en même temps).

Mais s'arrêter là, c'est passer à côté du film en lui-même. C'est une œuvre de fiction qui s'intéresse plus au potentiel scénaristique de la chose qu'à sa véracité scientifique. Et sur ce point, le film remplit plus qu'honorablement son contrat.

Alors ok, certaines idées de réalisation sont un peu maladroites, comme l'illustration des propos du scientifique joué par Morgan Freeman, ou de la métaphore évidente de "proie/prédateur", par des images qui semblent toutes droit tirées de National Geographics, et qui semblent là de premier abord uniquement pour prendre le spectateur pour un con...

De même, on peut tout d'abord s'étonner de ce besoin d'afficher en gros et gras le pourcentage d'utilisation de son cerveau par Lucy, à chaque palier de 10%. Mais si on prend tous ses "défauts" à l'aune de sa fin, le film gagne une certaine dimension "poétique" grâce à cela.

Et c'est vraiment là le point fort du film. Malgré une production classique de Blockbuster, celui-ci sait se donner une certaine âme, notamment grâce à son personnage principal dont on peut lire la transformation dans le jeu de Scarlett (mention spéciale à la scène où elle appelle sa mère).

Alors oui, le film part dans tellement de directions, tout en donnant l'impression de ne pas trop savoir où il va. Ca manque cruellement d'enjeux dramatiques, et les tentatives, notamment à la fin, de relancer ceux-ci tombent quelque peu à plat.

Mais ce serait passer à côté de la réelle intention du film. Il s'agit d'un exercice de style, d'une "dissertation cinématographique", et non d'un simple film à grand spectacle. Et c'est d'autant plus étonnant de voir les réactions du public sur ce point quand il s'agit de Besson, et de les comparer à celles qu'a engendré un autre film récent, et tout aussi "stylistique", à savoir Interstellar.

Dans les deux cas, on a un réalisateur qui veut se faire plaisir en parlant de sujets qui l'intéressent, quitte à prendre de la distance avec les connaissances actuelles du monde scientifique. Dans un cas, on adule un film quitte à passer certains errements niveau réalisation à la trappe, et dans l'autre on se focalise dessus pour discréditer tout le film.

Et j'en veux pour preuve que dans les deux cas, chaque film fait ouvertement référence à "2001..." notamment, et qu'on s'en sert pour aduler l'un et enfoncer l'autre, alors que les deux références en questions sont aussi bien ou maladroitement (selon les points de vue) amenées dans l'un que dans l'autre.

Et c'est marrant aussi, les deux films souffrent d'un même défaut, critiqué pour le coup dans les deux cas, à savoir une fin qui en dit trop. Sauf que dans les deux cas, celle-ci peut-être décomposée en deux parties, l'une excellente et l'autre inutile.

Je vous renvoi à ma critique d'Interstellar pour ce film, mais pour Lucy

Donc dans l'ensemble, on a un film avec une qualité générale de réalisation au poil, et quelques scènes vraiment pas mal foutues niveau action, quitte à sacrifier quelque peu à la cohérence, comme par exemple quand on voit Lucy faire voler des mecs au "level 60%" quand elle pouvait déjà simplement en "endormir" un plus grand nombre d'un mouvement de poignet au "level 40%".

Mais ces quelques entorses sont plus que compréhensibles d'un point de vue réalisation pure, et ne sont pas suffisamment importantes pour sortir complètement du film. Et puis, le reste est de très bel acabit aussi : les acteurs sont plutôt bons dans l'ensemble, même quand leurs rôles sont de simples ressorts scénaristiques et/ou dramatiques. La bande son est efficace, même si elle ne se démarque pas particulièrement à quelque moment du film que ce soit.

Au final, on a un très bon divertissement qui gagne en intelligence émotionnelle ce qu'il perd en raison pure. Et qui sait aborder suffisamment de sujets dans un laps de temps très (trop ?) court, pour permettre au spectateur de lui-même poursuivre la réflexion après la fin du film si l'envie lui en prend, sans devoir brider son imagination pour coller aux vérités scientifiques actuelles, prenant juste ce qu'il faut de distance pour s'ouvrir sur une dimension plus "philosophique" que scientifique.