Un homme se retrouve dans un camp de forçat pour avoir vandalisé des parcmètres, il s’appelle Luke et il accueille la police en se marrant. C’est un homme sur-médaillé, un héros de guerre, qui semble tout prendre à la légère. Il mord la vie à pleines dents, même en prison. C’est un homme qui prend des coups jusqu’à n’en plus pouvoir, qui avale des œufs par 50, qui travaille comme un forcené, qui gagne aux cartes avec un jeu pourri, qui sourit, qui épuise les chiens, qui défie Dieu sous la pluie : « je t’attends vieux ! Aime-moi. Tue-moi ! Prouve que tu es là ! », qui trouve la force de chanter en jouant du banjo quand il apprend la mort de sa mère, tandis que les larmes coulent doucement. C’est celui qui avec « rien » l’emporte sur les autres parce que rien ne le fait reculer, parce qu’il ne craint rien, parce qu’il ne redoute que l’ennui. Durant toutes ces manifestations de vitalité, les autres détenus le regardent abasourdis ! Il devient petit à petit un symbole pour eux, un symbole qui leur donne la force de continuer à vivre.


Si Luke mord la vie à pleines dents, c’est d’abord parce qu’il n’y trouve pas de sens, alors il vit tout à fond plutôt que de sombrer dans le désespoir et l’apathie. C’est une réaction de survie. A ce titre, la rencontre avec sa mère est emblématique. Elle laisse transparaître une jeunesse difficile sans père.


Luke, c’est aussi celui qui défie les lois, qui se fiche des règles, qui résiste, qui n’entre pas dans les cases. Pas possible autrement pour un homme bourré de vitalité ! Dans un premier temps, c’est bon enfant mais quand il est victime d’une injustice criante, c’est le rebelle qui se réveille. Et alors, Luke ne s’adonne plus seulement à des jeux, il passe aux tentatives d’évasions ! C’est un bras de fer sans merci qui commence entre lui et le personnel de la prison.


Cool Hand Luke dénonce la violence et l’inhumanité du système pénitentiaire. Inhumanité d’une prison qui avale dans ses entrailles infernales un homme qui avait juste un peu trop bu et cassé quelques parcmètres ! C’est simplement disproportionné ! Le film dénonce également la perversité des gardiens. Si le trait est appuyé, il n’est pas pour autant caricatural. Parmi eux, le plus emblématique, le gardien aux lunettes noires qui n’ouvre pas la bouche, dont on ne voit jamais le regard, homme cruel qui ne parle qu’à coups de fusil ! Ses lunettes finiront écrasées sous les pneus mais le fusil une fois de plus, une fois de trop aura parlé.


« le mal vient du manque de communication. (…) », cette phrase prononcée par le directeur de la prison résume le drame de cet homme qui ne peut entrer en relation véritable avec personne. Que ce soit avec le personnel pénitencier qui le redoute pour la force qui se dégage de lui et son influence sur les autres. Que ce soit avec ses codétenus qui l’idéalisent et projettent sur lui leurs fantasmes de liberté. Si Luke est devenu l’idole des codétenus, il l’est jusqu’à ce qu’il craque. Ils ont besoin d’un homme fort, mais quand il s’effondre, ils le lâchent. Il ne correspond plus à l’image qu’ils se sont faites de lui ! « où êtes-vous tous ? » hurle-t-il tandis qu’ils se détournent de lui. Phénomène tellement typique de la psyché humaine : s’intéresser à l’autre tant qu’il correspond à ce que l’on veut ou à ce que l’on a besoin qu’il soit, mais dès qu’il se montre différent de cette image alors on le rejette.
Reprenant les mots du directeur, cette phrase sera la dernière que Luke prononcera et sera ainsi son ultime testament.


Ce film est porteur d’une grande charge existentielle et la trajectoire de son héros se finit dans une aura de légende que les codétenus ont construite peu à peu avec la collaboration de Luke leur offrant son sourire, truquant des photos pour leur vendre du rêve. Histoire d’un rebelle, histoire d’un vivant, histoire d’un homme qui a vécu sa vie comme il l’a pu avec ce qu’il a reçu d’elle. Sa vie, le regard qu’il porte sur elle et sur lui-même, il l’exprime dans ses paroles adressées à ce Dieu en qui il ne croit pas, dans une vieille église :



Si t’as une minute, faudrait qu’on cause. C’est vrai, je suis un méchant. J’ai tué à la guerre… j’ai bu, j’ai cassé du matériel municipal. Je devrais pas demander mais avoue que tu m’as pas donné de jeu. On dirait que j’avais perdu dès le départ. Partout des lois, des règles, des chefs. Je suis comme tu m’as fait. Et j’ai ma place nulle part. Vieux, écoute-moi. Ça a commencé tôt pour moi. Je commence à flancher. Ça finira quand ? Quelle mission j’ai ? Je dois faire quoi maintenant ?



Quelle remarquable prestation de bout en bout, nous offre ici Paul Newman, toujours aussi charismatique. On se demande comment un tel acteur a reçu un oscar aussi tard.

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le 29 juin 2022

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abscondita

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