Il parait que l’état d’esprit danois se caractérise par le hygge (prononcer« hugueu ») cet état d’atmosphère chaleureuse, fait de petits moments de bonheur et de bien-être douillet que l’on partage avec les personnes que l’on aime. Etat d’esprit qui expliquerait que les danois sont parmi les peuples les plus heureux du monde.
Eh bien, Lumières dansantes, film danois, le premier long de Anders Thomas Jensen, n’est pas vraiment dans le registre Hygge ! Le réalisateur y déploie, comme il le fera dans ses films ultérieurs, une comédie loufoque à l’humour noir le plus décapant, à l’esprit bête et méchant, aux situations hilarantes et aux personnages haut en couleur. On est dans un mélange des frères Coen, de Tarantino, Kitano ou Poelvoorde.
A Copenhague, quatre potes soudés par une virile amitié qui date de leur enfance, gangsters à la petite semaine, émotionnellement instables, doivent rembourser une dette importante à un mafieux violent (beaucoup plus qu’eux !). Ayant découvert un butin, ils s'enfuient avec, et suite à une panne de voiture échouent dans une masure ruinée au milieu d’une forêt isolée. Là ils espèrent mener une nouvelle vie.
Malgré leurs occupations violentes et leur vie chaotique, une affection douce et amicale lie les quatre hommes depuis l’enfance. Quatre flashbacks reviennent avec humour, même si de manière un peu appuyée, à l'enfance des personnages, aux traumatismes de leur jeunesse, expliquant leur personnalité à l'âge adulte : familles dysfonctionnelles, père tyrannique… situations qui vont être à la base d’une véritable amitié de groupe. Ils partagent tous un besoin commun de famille, de stabilité. Lentement, chacun en vient à réaliser que la vie qu'ils menaient ne les rendait pas heureux.
Le film est un festival de situations hilarantes plus saugrenues les unes que les autres, de dialogues savoureux et de portraits de personnages pittoresques et truculents. C’est un formidable terrain de jeu pour des acteurs déchaînés, étonnants de justesse, tous prêts à suivre le délire de Anders Thomas Jensen et casser leurs images. Le réalisateur dirige ceux qui deviendront ses acteurs fétiches dans ses prochains films tout aussi débridés, noirs et hilarants : les Bouchers verts, Adam’s apples, Men & Chicken. Mads Mikkelsen au look improbable en marcel cradingue, affublé d’une coupe de cheveux invraisemblable, psychopathe lourdement armé, tue gratuitement des animaux à tour de bras ; Ulrich Thomsen, accro à la coke, mais aux capacités ralenties depuis que ses collègues lui ont fait passer un moment en chambre froide ; Nikolaj Lie Kaas grignoteur compulsif de chips, en manque de sa fiancée et pleurant comme une madeleine à la lecture du poème de l’écrivaine et poétesse danoise Tove Ditlevsen, « Blinkende Lygter » (en français « Lumières dansantes ») qui donnera son nom au restaurant que le quatuor compte ouvrir et donc son titre au film. Et parmi les acteurs, mention spéciale à Ole Thestrup chasseur local à la trogne ahurie et au profil que l’on a pas vraiment envie de croiser au détour d’un chemin en forêt.
Un film immoral et violent, qui ne fait ni dans la finesse ni dans la subtilité ? Peut-être, mais Lumières dansantes qui alterne violence gratuite et amicale affection, est aussi chaleureux et hilarant, et même parfois émouvant et poétique. Et finalement dans la concrétisation de leur projet et dans la scène finale se niche sans doute du fameux Hygge danois.