M le maudit est le premier film populaire à avoir changé l'image du monstre : il n'est qu'un homme, avec une tête parfaitement innocente, à qui l'on confierait son petit enfant sans plus de question... Et c'est là que le film de 1931 fait frémir bien davantage que les autres productions contemporaines de Universal : facile de reconnaître un Dracula et un Frankenstein (surtout que l'on n'en croise pas souvent, enfin, on ne sait pas vous...), mais un pauvre gars à bonne tête qui cache un tueur d'enfants sans pitié... On se met à dévisager les voisins de siège, à imaginer tout et son contraire sur les passants rencontrés dans la rue, à serrer un peu plus près notre petite fille ou petit garçon, même aujourd'hui (le film étant malheureusement toujours d'actualité). Ce film qui a osé mettre le doigt sur la véritable tête du monstre, celui qui peut débouler de n'importe où (et en est d'autant plus dangereux), est passionnant à suivre, car il n'y a pas que les mères éplorées qui réclament vengeance. Les policiers sont débordés (visionnaire, vraiment, ce film...), les citoyens croient bien faire mais racontent tout et n'importe quoi aux agents (ce qui les ralentissent encore plus), les pères agressent le premier homme qui approche de trop près un enfant, et même les criminels ne veulent pas être assimilés à un crime si ignoble (ils sont d'ailleurs les plus efficaces pour mettre la main au collet de ce timbré). On suit le final avec la bouche grande ouverte
(cet incroyable casse pour attraper le monstre dans un immeuble), on pense connaître l'issue du procès (on l'espère, plutôt) mais la police est le coup de théâtre qui sauve de justesse ce meurtrier, nous atterrant et nous terrifiant en voyant la dernière image du film : des mères endeuillées de leur enfant,
un véritable avertissement qui nous rappelle qu'il faut être prudent tant pour soi que pour les plus vulnérables. Le surréalisme allemand trouve un bel exemple avec les ombres dilatées sur les murs et les clairs-obscurs qui font ressortir les blancs des yeux du tueur. On ne se rend pas compte du temps qui file à toute allure dans ce film aux airs de polar passionnant et drame effrayant, avec un message percutant : le mal le plus dangereux, c'est celui qu'on ne voit pas.