Il y a une mode (pouvant être perçu comme douteuse par certains, enrichissant pour d'autres) qui s'est développé dans les années 2000 du film d'animation prenant place au Moyen Orient. Souvent des films réalisés par des Européens pas toujours touchés par le sujet et traitant du sujet pour être adulte, et apporter du drame à une histoire en animation. Des films comme Parvana une enfance en Afghanistan, ou encore Dounia et la princesse d'Alep pour ne citer que les plus récents se voulant comme des Persepolis like, ou des Valse avec Bachir like. C'est dans cette optique qu'en 2021, au festival international du film d'animation d'Annecy, on s'est retrouvé avec un palmarès à l'image de cette mode douteuse, avec notamment La traversée, mention spéciale du jury, un cristal du long métrage 2021 décerné à Flee de Jonas Poher Rassmussen, ou encore un prix du jury à Ma Famille Afghane de Michaela Pavlatova. La chose pouvait s'arrêter là, mais ce dernier a aussi remporté le césar du meilleur film d'animation 2023 face au film Le Petit Nicolas: Qu'est ce qu'on attend pour être heureux ?, Cristal du long métrage 2022 qui, malgré tout le mal que je pense du film, aurait mieux mérité le prix que Ma Famille Afghane.


Le film se focalise sur son histoire plus que sur tout le reste, obligeant la réalisation à adopter une forme de simplicité qui, de manière général, ne dérange pas tant que ça. On a des couleurs dénaturés, avec par moment des envolés avec des couleurs un peu plus vive lorsqu'un personnage va pour rêver d'une vie meilleur, et des designs assez simple afin d'illustrer comment le personnage principale peut percevoir l’Afghanistan, avec candeur et une pointe de naïveté amené à évoluer en quelque chose de plus dure par la suite. Tout cela amène à nous attarder sur le scénario du film, et sur ce que raconte le film dans son propos.


On est alors extrêmement gêné face à un film qui semble ne pas prendre conscience de la porté de ce qu'il dit, ainsi que d'impact de ce qu'il met en scène. On le voit très vite à travers une scène d'ouverture où l'on voit une tchèque nous expliquer qu'elle a rejoint l'Afghanistan sur un coup de tête après un coup de foudre sur d'un afghan en amphi à l'université parce que "tout était fade jusqu'à qu'il arrive dans l'amphi". Il en vient alors une critique de ce comportement égoïste et aveugle lorsque celle-ci est confronté au voile intégrale ou à être enfermé à la cuisine lorsqu'il y a des invités. Mais très vite, le film part dans des extrêmes qui ne vont pas ensemble. D'un côté on nous présente un pays rongé par une dictature musulmane sévère à un point que cela en devient presque délirant tant la survie là-bas en devient une anormalité. De l'autre, on a une européenne blanche qui semble vouloir s'accoutumer à cela et relativiser en disant que l'essentiel est d'être en famille, excusant énormément de choses anormales parce que "nous au moins on va bien". On obtient alors une banalisation glaçante, très réactionnaire, non pas de la condition de vie en Afghanistan, mais de la culture Afghane, régit en grande parti sur une lecture radiale du coran, qui n'est même pas tant remis en cause, car présenté sous les yeux d'un personnage totalement déconnecté de la réalité. Cela amène de bonnes choses, comme un ton plus léger que certains autres films du même registre, mais cela soulève beaucoup de question sur la moralité même du film. A première vu, on pourrait se dire que le film va jouer là-dessus pour montrer quels sont les problèmes systémiques de l'Afghanistan, et de montrer quels sont les risques de s'aventurer en Afghanistan... sauf que non. La tchèque aveuglée par un amour afghan, qui se révèlera toxique, sera montré comme raisonnée et consciente de ce qu'elle fait, lorsqu'elle sera confronter à des sauveurs humanitaires américains, dont une activiste à cheveux coloré cliché, qui remettront en cause certaines pratiques en Afghanistan. On est sur un film confrontant une tchèque blanche à tendance sauveuse blanc, qui vit est parti vivre en Afghanistan sur un coup de tête, et une américaine sauveuse blanc qui critique les coutumes misogyne et sectaires Afghane, et c'est la tchèque qui est montré comme raisonné en montrant l'américaine comme une conne qui ne comprend rien. Sur les 1h20 de film, ce n'est que dans les 10 dernières minutes, après que le personnage principale s'est pris une énième claque des mains de son maris, que le personnage principale est présenté comme en tord. Ce qui dérange c'est qu'on sent, malgré le côté réac, une volonté d'expliquer et de justifier la non-réaction de la tchèque qu'il faudrait comprendre et excuser pour sa bêtise, alors que la vie en Afghanistan est présenté comme un tract d'Eric Zemmour anti-radicalisation en Seine Saint Denis. On est à un point, dans le bingo de la zone de non droit, où TOUT doit être vu dans la vie de son héroïne, à un intervalle réduit. Surement que la vie en Afghanistan doit s'approcher du portrait que dresse le film, mais celui-ci en pointe les défauts avec une tel insistance, recouvert d'une pseudo honnêteté objective, qu'on ne peut pas y croire décemment. Mise à part certaines scènes comme la première fois au lit de l'héroïne (qui n'est pas vierge, donc son maris va pour saigner à sa place dans une scène assez romantique), tous les clichés et coutumes problématiques sont présentés comme de la curiosité morbide et malsaine montrant la chose comme de l'exotisme répugnant. Le message du film vis-à-vis de l’Afghanistan est très simple, c'est souligné en caractère gras dans une scène nanardesque d'attentat: L'Afghanistan est un enfer, ne va jamais là-bas, tu n'as rien à y sauver. Maintenant le message du film... au secours.

Après 1h de film où l'on déambule dans la vision de la Seine Saint-Denis vu par un militant d'extrême droite, après l'attentat à son domicile où l'on a ce plan risible d'enfant dos aux flammes qui regarde droit la caméra pour supplier le spectateur de ne pas venir en Afghanistan... Comme un poison, l'enfant maladif adopté par le personnage principale devenu clairvoyante depuis qu'elle a accompagné l'américain expatrier une membre de sa famille marié de force, fuit quand celle-ci tente de s'enfuir d'Afghanistan avec lui. C'est en faisant écraser la voiture contre un arme qu'il saura montrer tout son attachement culturel et idéologique à une culture et des traditions sectaires qui auront visiblement eu raison de son libre arbitre... mais le personnage principale succombe elle-même car, au final, elle a réussit à fonder une famille, "c'est pas si mal". On aura beau portraiturer la vie d'une femme qui s'est retrouvé, à cause d'un caprice de bourge privilégié, dans un pays décrit comme inhumain, au final, on en vient à justifier sa folie car elle aura tant bien que mal trouvé une famille dans une vie horrible, cela serait irresponsable de sa part de laisser tomber ses proches. Qu'est ce qu'elle vient essayer d'offrir une meilleur condition de vie à ses enfants ? Celui-ci est baigné dans une culture musulman qui, sert est mauvaise sous tes yeux d'européens privilégiés, mais est celle dont il est le plus fier... C'est ainsi que la tchèque doit comprendre que l'importance n'est pas tant sa sureté et celle de son fils, mais que, malgré l'horreur que peut être la vie de l'Afghanistan, sa """famille""" aille bien et soit heureuse

Ce qui est abjecte dans cette fin qui tente de ne jamais assumer ses prises de position, c'est que cela vient jusqu'à justifier ce que l'on a mis 1h à dénoncer pire qu'un reportage enquête d'action, réalisé par une réalisatrice visiblement inconsciente de ce qu'elle raconte et met en scène car critiquant un type de population européenne sauveur blanc dont elle fait ouvertement parti. Sans doute que cela veut critiquer cette mentalité de vouloir aller en Afghanistan en pensant que tout se passera bien alors qu'on est une jeune femme blanche européenne privilégiée et loin de tout cela... sauf que l'exécution même du film inquiète tant tout a l'air déraisonné.


Le discours, s'il y en a un, n'a aucune structure, et le récit ne fait que suivre son personnage principale et la famille afghane sans réellement de but. On suit la famille afghane avec autant d'intérêt et de volonté que la famille Loud. On découvre le papy modéré, le frère extrémiste, la fille persécuté, les cousines qui ont pas grand choses à faire d'autre que d'être présente... et aucune trame de fond ou même de but ne va rythmer la vie de la famille, si ce n'est le fait que l'Afghanistan est un pays dangereux et malfamé, où l'on peut croiser des vieux dégueux qui ne pensent qu'à mettre la main au cul des filles, mais qu'ils faut excuser car ils ne voient que leurs cousines. Malgré que le film dresse un portrait très cinglant et radicale de l'Afghanistan en adoptant une posture pseudo vérité sans tabou (allant jusqu'à mettre en scène la famille afghane réagissant au 11 septembre, entre la fascination envers Ben Laden et l'inquiétude à l'idée qu'un afghan soit lié à l'attentat), le film n'a pas tant vocation à parler de problèmes sociaux outre mesure. On ne cherche pas tant à condamner un système islamiste, ni même à l'expliquer, mais à laisser la caméra déambuler dans les rues afghane à la quête d'une scène choque pouvant interpeller l'européen qui ne vit pas là-bas, et qui aurait besoin de voir du misérabilisme pour se sentir concerné par des causes qui ne l'atteignent pas. Sans doute que c'est pour mieux se focaliser sur le rite initiatique entamé par la tchèque en Afghanistan, ce qui expliquerait beaucoup de choses. Si cela n'explique pas l'obsession du film à souligner de manière crasse les problèmes de la culture afghane, ni l'atmosphère parfois étouffante digne d'un Reportage immersion dans une brigade policière en banlieue parisienne, cela expliquerait la non envi de prendre position sur certains sujets de société, ni de donner des réponses à des problématiques soulevées à travers la mettre en scène de certains éléments polémiques. Enfin, cela explique aussi pourquoi le personnage principale a l'air aussi déconnecté du réel, car sans doute il sera question de mieux se reconnecter au réel en la faisant prendre conscience de la porté de ses actes. Si, effectivement, le film prend une tout autre forme vu sous cette angle, cela soulève d'autres problèmes. Comment ça se fait que le personnage principale, malgré qu'on la confronte à une société elle aussi en quête d'évolution, n'évolue jamais au fil du film ? Comme je le disais précédemment, ce n'est que dans une dernière scène lunaire que le personnage principale semble être en proie à une réflexion sur le fait que ce n'est pas tant une bonne condition que de se marier à un afghan et se laisser se faire frapper par son maris à longueur de journée, mais que pour, au final, elle rechange d'avis et accepte pleinement sa condition. Elle passe 1h de film, dans un simili voyage initiatique, à apprendre à grandir et à se diriger vers une voie sûr, pour au final apprendre qu'elle n'a pas besoin d'une vie libre avec une famille qu'elle a fondé, mais une vie enfermé en Afghanistan avec une famille qui la rejette à moitié parce qu'elle ne suit pas assez les règles dictés par le régime islamiste... le film n'a aucun sens, et la morale du film est vraiment limite. A vouloir parler de tout et de rien, le film devient imbitable sur son propos de fond, et il ne reste que le désir malsain presque fétichisant de filmer la misère humaine pour se croire subversif et exotique. C'est gerbant.


Mais la réalisation dans tout cela ? Plutôt, j'ai précisé que la réalisation avait, à raison, une direction minimaliste pour mieux développer le scénario (même si celui-ci n'a aucun sens et est abjecte sur sa manière de traiter les problèmes de société afghane comme de l'exotisme malsain, mais je radote). Cependant, ça n'excuse pas la qualité médiocre de celle-ci. Avec une animation digne des premiers épisodes de la saison 1 de Foot2Rue, des contours bâclés qui laissent voir des traits qui dépassent lors de certaines gros plan, et un niveau de détail assez bas où certaines proportions ou symétrie peuvent ne pas se respecter au terme d'une même séquence. Si le style graphique peut être intéressant lorsqu'il y a peu de mouvement et que l'on reste presque dans de l'image figé (lorsque celle-ci est à peu près bien dessiné), il devient dégueulasse et inélégant au fur et à mesure que le film essaye des mouvements simples qui se retrouvent alourdis par les contours épais pas toujours propres, et les proportions aléatoires. L'ambiance sonore ne sauve même pas le désastre car ne se limitant d'être existant au mieux quand elle n’alourdit pas des passages dramatiques assez pathos comme ça. Dans un film d'1h20 qui arrive à être long tant il ne raconte rien, on s'emmerde face à un scénario qui n'a aucun rythme, une réalisation déplorable, et un propos qui glisse vers des travers qui savent être encore plus répugnant que des graphismes au niveau d'une série animé des années 2000. Faute de réellement comprendre un quelconque propos politique pertinent, on ne voit que l'égo-trip d'une réalisatrice qui n'a eu d'envie et d'ambition que de s'inscrire dans une vague de film traitant du Moyen et Proche Orient, sans chercher à comprendre de quoi elle traite, et en résulte le pire film d'animation qui m'a été donné de voir traitant de ce sujet.


4,5/20


N’hésitez pas à partager votre avis et le défendre, qu'il soit objectif ou non. De mon côté, je le respecterai s'il est en désaccord avec le miens, mais je le respecterai encore plus si vous, de votre côté, vous respectez mon avis.

Youdidi
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le 21 mars 2023

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