Un ovni inclassable! Ou le monde de Dumont, dont le film s'est vu sélectionné pour le festival de Cannes, ou de Béquilles, là, hein, c'est vous qui voyez.
Eté 1910, une baie de la côte d'Opale; des faciès marqués de part et d'autres par les traits de la déchéance humaine, possible satire sociale; Typhonium, une villa près de Wissant, où séjournent de riches industriels bourgeois, la famille Adams, euh, Van Peteghem, dont l'ainé-e- est Billie, jeune androgyne, à la garde robe hésitante; le 'quartier Saint Michel' qui tient davantage d'un hameau perdu dans les dunes entourées de quelques bras de mer vaseux, où vit une famille de pauvres pêcheurs genre Ténardier, dont l'aîné des fils est appelé 'Ma loute'... Cette adorable confrontation entre dégénérés annonce la fin d'une civilisation, avant la Grande Guerre qui finirait par emporter, on l'imagine, le peu d'humanité des plus aisés et le bon sens de toute une génération de jeunes hommes d'origine plus modeste (eussent-ils eu la chance de survivre). Mais ici, ce sont les riches qui prennent cher, confrontés à des crève-la-faim; faut-il trouver dans cette parodie sociale cynique l'annonce de temps troubles à venir pour les nantis; ou pas? L'interprétation est libre, à vous de voir, vous êtes le meilleur critique.
Quoi qu'il en soit, cette grinçante fable se double d'une grand guignolesque "intrigue" policière; suite à de mystérieuses disparitions (dont on comprend bien la cause) le genre policier intervient dans l'affaire--l'improbable inspecteur Machin et son acolyte Malfoy, sorte de Laurel et Hardy dont l'agilité et la sagacité d'esprit renvoient au Qi d'un crabe sans pattes-- étant chargés de l'enquête.
Que dire du scénario? Il écorche joyeusement différents genres (comédie bouffone, enquête policière, satire du cinéma d'auteur) et thèmes (androgynie, cynisme, folie, bêtise) dans le contexte d'un monde grave marbré... Entre fatuité et vacuité verbeuse d'un discours bourgeois teinté de débilité et le pragmatisme bestial d'un univers de pauvres neuneus cannibales dont la seule pêche véritable est celle du bourgeois égaré qui finit en ragoût, non sans toutefois se donner la peine de faire traverser un bras de mer à quelques estivantes semi-hystériques, que voilà un scénario déroutant et décousu, dont le message reste un chouia cryptique; une rencontre à mi chemin entre les Monty Python, Fellini, ou Jeunet et Caro, sans toutefois égaler le talent d'aucun d'eux. Ou alors c'est que cet univers dystopique ne me parle pas, ou que j'ai besoin de rêver...
Une loupe misanthropique tendu sur la laideur du monde? Oui, à l'évidence. Un cinéma libre de tout code, oui, mais aux effets lourdingues. Seul le paysage fait contrepoint et donne envie d'évasion. Bref, ce film, sans conteste "original", peine à convaincre. Le flirt entre Ma loute et Billie n'émeut pas, les personnages trop stéréotypés - le surjeu des acteurs en témoigne- et les moments qui se veulent surréalistes, horrifiques ou/et poétiques n'impactent pas vraiment.
Même si l'idée de départ pouvait sembler judicieuse (2 univers en opposition), on se perd dans un propos trop flou, dans un film qui peine à distraire, du moins émouvoir ou faire réfléchir. Trop ... Inclassable, donc.