Réaliser un film qui parvient à la fois à faire rire et émouvoir, c'est extrêmement difficile. Certains, comme Roberto Benigni, y arrivent en utilisant des mécaniques assez grossières, tandis que d'autres y parviennent avec énormément de finesse. Ma Loute fait partie de la deuxième catégorie.


Dans la lignée de P'tit Quinquin, Bruno Dumont signe une œuvre mêlant humour absurde et enquête sordide, avec en fond les magnifiques décors du Nord-Pas-de-Calais. Mais le film va plus loin que la mini-série puisqu'il abandonne complètement les scènes neutres pour aller jusqu'au bout du comique ou de l'émotion. Cela se ressent dans sa manière de construire les scènes. Celle du repas, par exemple, brille par sa durée. La maladresse de certains personnages (au niveau du langage, des gestes ou des conventions sociales) crée un malaise qui ne fait que s'étirer, et qui est en plus ponctué de silences gênés, ce qui provoquera tôt ou tard un rire libérateur.


Le jusqu’au-boutisme de Dumont se retrouve également au niveau des personnages principaux. Dans P'tit Quinquin il n'y avait que le commandant qui était magnifiquement ridicule, qui était à hurler de rire à chaque instant. Dans Ma Loute, les trois bourgeois occupent ce rôle et sont tout simplement magiques. Luchini, Binoche et Bruni Tedeshi ont une manière impeccable d’exagérer leurs personnages. Dumont a su les pousser jusqu'au bout pour les rapprocher de son idée en restant mesuré, tout comme le faisait Desplechin avec les jeunes acteurs de Trois souvenirs de ma jeunesse. Les interprètes sont donc porteurs d'une énergie forte qui permet de huiler les mécanismes du comiques et du tragique pour les rendre encore plus efficaces. La scène toute simple où Bruni Tedeshi est émue de retrouver la Côte d'Opale pour ses vacances devient alors tout aussi marquante que les nombreuses exubérances de Binoche.


Ma Loute est un film que l'on retiendra. Mais il semble que sa capacité à marquer les esprits ne viennent pas des qualités citées précédemment mais de sa façon étrange de ne pas terminer ses histoires : l'identité de Billie est une interrogation qui sera balayée par le vent, tout comme le devenir de la famille de pêcheurs. Bruno Dumont préfère économiser les mots et emploie d'autres moyens, comme les regards et les étreintes, pour faire ressurgir l'émotion.

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le 13 juin 2016

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