Il est certain que ce film laisse pantois. Que se soit pour ses sujets qui, graves pour la plupart (genre sociétal, inceste, cannibalisme), sont traités avec une désinvolture et un naturel déconcertant, que pour les dialogues crus (autant que les scènes de "table" chez ma Loute). Il perd néanmoins de son efficacité à cause du gouffre formé entre les acteurs professionnels et non professionnels ; Luchini est quand même suer drôle et la satire de la bourgeoisie n'en est que plus délectable lorsqu'elle est faite de manière si burlesque, mais le contraste de la performance de la famille bourgeoise avec celle des pêcheurs me semble parfois gênant, et ceux-là ne nous mettent pas très à l'aise il faut le dire, Bruno sait les choisir.
Au milieu de cette absurdité, le personnage de Billy donne une résonance toute particulière au film et participe grandement à sa sensibilité tout en lui imposant une certaine violence ; il fait de ma Loute un personnage presque beau, surtout lors du dernier plan visage. Les plans de la côtes, magnifiques, contrastent avec la laideur des personnages et les situations cocasses à n'en plus compter -le scaphandrier, la trompette, la procession et les couic-couic incessants de Machin, qui roule par deux fois du haut des dunes- nous font forcément penser à ce cher P'tit Quinquin et à ses scènes d'anthologie. Le film gagne par rapport à la série en terme d'aboutissement, les personnages et le scénario sont davantage travaillés et ont l'avantage par rapport à la série de moins s’essouffler, cette particularité de surprendre le spectateur qui ne sait plus ce qu'il doit penser lorsque les personnages sont malmenés dans des situations plus abracadabrantes les unes que les autres.
Alors, j'ai envie de dire aux contestataires nordistes qui pensent que Dumont "fait passer les gens du nord pour des demeurés" qu'on peut voir plus simplement, autant dans ma Loute que dans P'tit Quinquin, l'attachement que Dumont porte aux côtes sablonneuses du Pas-de-Calais, qui valent le coup d'être chéries.