En 1963 Esther s'apprête à mettre au monde son sixième enfant.

Pour ne déranger personne, elle se rend seule à la maternité et accouche de Roland qui naît avec un pied bot. Esther refuse de considérer son fils comme un handicapé et contre l'avis de tous, y compris des nombreux médecins sollicités, lui promet qu'il marchera. Les années passent, Roland est incapable de se tenir debout, il rampe dans l'appartement, refuse d'apprendre à lire lorsqu'il est en âge de le faire. Les services sociaux s'en mêlent : cet enfant doit être placé en famille d'accueil. Esther tient bon, rencontre la femme d'un "rebouteux" qui, touchée par son histoire, sa détresse et sa volonté lui propose de lui venir en aide. L'enfant sera alité pendant 18 mois dans un appareillage qui l'empêche de bouger et le contraindra à regarder la télévision 24 h/24. C'est là qu'il découvre fasciné l'existence de Sylvie Vartan. Il apprendra à lire en apprenant par coeur dans un premier temps les chansons de la star...

Je n'en dis pas plus. J'ai hésité à voir ce film adaptation du roman éponyme et autobiographique de Roland Perez publié en 2021. Je craignais que la bande-annonce (vue et revue) soit de celle qui en dise trop voire raconte tout le film. C'est un peu le cas mais il réserve quand même son lot de surprises mais aussi d'émotion. L'équilibre entre drôlerie (jamais lourdingue) et émotion est parfait. La vie de Roland ne serait pas franchement facile s'il n'était couvé par l'amour vampirique de sa mère qui ne ménage jamais sa peine avec toute l'ardeur, la mauvaise foi et les mensonges possibles pour le faire admettre comme un enfant comme les autres. C'est en véritable "agent" qu'elle va réussir à ce qu'il devienne danseur pour Joe Dassin par exemple.

"Dieu ne pouvait être partout, alors il a créé les mères" dit le proverbe Yiddish et plus que le petit garçon, le réalisateur met au centre du film cette mère infatigable mais bien fatigante pour les autres, intrusive, possessive, envahissante mais dont les prières et l'amour incommensurable finissent par émouvoir sincèrement. Il faut dire que Leïla Bekhti, mère de quatre enfants dans la vraie vie, enceinte pendant le tournage, y met tout son coeur et tout son talent. Elle est pourtant loin d'être la mère idéale puisqu'elle est manipulatrice, elle envahit la vie de son fils et l'infantilise, mais l'actrice met dans ces outrances beaucoup de fantaisie.

Evidemment on est loin de la douceur mélancolique du Château de ma mère (de Marcel Pagnol) hymne à la mère effacée, douce, fragile et mélancolique mais cette mère bulldozer qui donne sa vie et ne cesse de le répéter à son fils adoré, "mchikpara", est fichtrement attachante aussi. Après l'enfance, le film s'attache à la réussite sociale de ce garçon qui revient de loin et devient l'avocat des stars et notamment de Sylvie Vartan.

Autour de Leïla Bekhti impériale, gravitent de beaux seconds rôles tels que ceux d'Anne le Ny la rebouteuse et Jeanne Balibar l'assistante sociale (la saloperie comme la surnomme Esther). Les enfants, Joséphine Japy, Jonathan Cohen sont également très bien. Lionel Dray mari d'Esther et père de Roland hérite d'une des plus jolie et triste scène du film lorsque Roland s'aperçoit qu'à cause de sa mère, il ne connaît rien de ce père effacé. Mais je vous encourage à bien prêter attention à Milo Machado-Graner (Anatomie d'une chute, Spectateurs !, Mercato) qui est un des frères enfant de Roland. Cet acteur de 16 ans est un petit miracle. Chaque fois qu'il apparaît il chipe la vedette et éclipse tout le monde rien que par sa présence. Les deux scènes où il est désigné pour apprendre à lire à Roland ("C'est Balzac qui va s'en occuper") et les moments où il apprend Roland à lire (et le traite de con) sont à mourir de rire.

Je trouve Ken Scott très doué pour raconter des histoires originales qui oscillent entre drame et comédie comme c'était le cas pour David Wosniak en 2012, donateur très prolifique pour une banque de sperme qui se retrouve père putatif de 130 rejetons dans Starbuck...

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le 27 mars 2025

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