Orson Welles, Roman Polanski et même Béla Tarr, rien que ça, s’y étaient déjà confrontés avec plus ou moins d’éclat et de triomphe, et seul Akira Kurosawa, en transposant la plus sombre des pièces de Shakespeare dans le Japon médiéval (Le château de l’araignée), avait livré une œuvre éblouissante où s’invitaient théâtre nô et grandeurs esthétiques. Justin Kurzel, lui, mise avant tout sur un réalisme plus concret, plus viscéral (crasse et boue, sang et violence, décors et paysages sauvages d’une Écosse tellurique, redécouverte ainsi depuis Valhalla rising), entremêlé de visions purement fantasmatiques et infernales (les scènes finales, flamboyantes de rouges, de pourpres et d’oranges, comme si l’enfer s’ébrouait, se soulevait, s’ouvrait enfin à Macbeth).


Le film est incommode, il est brutal et imparfait aussi (la première demi-heure peine à enclencher les funestes événements), mais magnifié en entier par une beauté plastique sidérante privilégiant clairs-obscurs expressifs (Le Caravage ou Joseph Wright semblent avoir inspiré la photographie d’Adam Arkapaw) et compositions d’ensemble tirant vers l’eau-forte, le tableau de maître (le banquet sépulcral nimbé d’une lumière d’or et de poussière, le couronnement de Macbeth tel un sabbat occulte…). C’est un écrin bien sûr, un écrin pour les acteurs scandant tirades et apartés (que les vers sont admirables, que les mots glorieux) avec une splendeur bouillante, en rythme dans les pulsions archaïques qui sourdent autour d’eux. Michael Fassbender et Marion Cotillard s’épuisent à la tâche avec ferveur, on les sent habités, exaltés, sur le fil au-delà du tragique.


De la pièce originelle donc, de ce chef de guerre devenu roi maudit par la seule ambition de son épouse, de ces deux-là dévorés ensuite par le remords et la folie, éprouvant alors l’autorité du Mal, "repus d’horreurs" est-il écrit, Kurzel en exprime quelque chose d’organique, de primitif, à l’image de ces fresques belles et naïves entraperçues dans l’église en bois, distinguant certains passages, en occultant d’autres (on sait qu’adaptation est toujours affaire de trahison), y arrachant son essence à force de ténèbres, de fureur, de murmures, et proposant in fine une relecture âpre et sublimée de ce que Shakespeare cherchait à dire sur le poison du pouvoir et les émois de la tyrannie.


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mymp
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le 23 nov. 2015

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