Il y a quelques temps, des collègues éminents de Sens Critique m’ont demandé, sous ma critique de John McCabe, une critique de merde.
Vaste programme, vaste question. Qu’est-ce qu’une critique de merde ?
Je suis allé voir sur Allociné, pour me renseigner, mais j’ai dû arrêter parce que j’ai commencé à avoir de la tachycardie.
Une critique de merde commence par un résumé exhaustif du film.
Mad Max trois est la suite du deuxième, qui lui-même poursuivait le premier. En revanche, il se situe avant Fury Road, puisqu’il est sorti après. Il raconte l’histoire d’un solitaire qui se fait voler son véhicule par un avion et il arrive dans Troc City où règne une méchante qui…
Comme c’est trop chiant, j’arrête. Mais vous voyez l’esprit. Je me suis dit, ça sert à rien d’écrire une critique de merde en fait.
Et puis j’ai eu une illumination en voyant tout simplement un film de merde.
Un film de merde, c’est (entre autre) un film qui se fout de votre gueule en exploitant un filon avec une paresse totale, pompant ses prédécesseurs, voire les autres (plagiat des Aventuriers de l’arche perdue avec la scène culte du duel arme blanche/arme à feu).
Un film de merde pousse le cynisme mercantile jusqu’à lénifier tout ce qui faisait l’acide des opus précédents au profit d’un élargissement du public par le biais d’une star de la chanson et d’enfants en pagaille, d’un humour de merde pour un résultat bien plus proche de Hook que de Point Limite Zéro. Et se faire élargir comme ça, c’est vraiment merdique.
Et puis, c’est quand même un heureux hasard, mais la merde est partout dans le film : métaphoriquement, bien entendu, puisque tout est d’une qualité de merde, des boucles d’oreilles de Tina Turner à la musique, en passant par les coiffures des gosses et la tronche du gogolito qu’il va épargner après un combat pré-Matrix, mais avec les filins visibles, des foules de gueux qui répètent toujours le même mot pour le spectateur de son niveau qui n’a pas compris les enjeux du film.
Et puis il y a aussi la mer de sable qui avale certains personnages imprudents. Et la maire de la ville, qui fait des gros yeux pour montrer qu’elle est pas contente. Mad Max, amer, désabusé, qui devient la mère des enfants perdus. Bref, on n’en sort pas.
Et puis, c’est quand même fantastique, la merde est vraiment un personnage du film en fait : c’est de l’énergie renouvelable. De la merde de porc, d’ailleurs. Cuve de merde, dans laquelle on va tomber, bien sûr, gros blocs de merde qu’on balance sur un périscope, et là tu te dis, quand même, quelle lucidité de Miller, qui non content de filer une partie de l’étron à un co-réalisateur, glisse des messages subtils aux initiés sur la manière dont il considère son film.
Ça pourrait être aussi ça, une critique de merde : se contenter de lister toute la merde d’un film de merde.
Et d’ailleurs, une critique de merde ne contient pas de conclusion.
Et si ça te convient pas, ben… j’t’emmerde.
http://www.senscritique.com/liste/Revoyons_Mad_Max/1337464